Menu Fermer

Paradoxe de l’obésité dans le cancer : rôle de la composition corporelle

L’obésité, généralement définie par l’Indice de Masse Corporelle (IMC), pourrait paradoxalement jouer un rôle protecteur dans l’évolution de plusieurs maladies chroniques. Au-delà de l’IMC, la préservation de la masse maigre pourrait influencer  favorablement la morbidité et la mortalité associées au développement de maladies chroniques et plus particulièrement du cancer.

 

Il s’agit d’une étude visant à évaluer la survie de 175 patients cancéreux (51% atteints au sein, 26% tête cou, tube digestif, 12% au poumon…) en fonction du paramètre utilisé pour définir leur corpulence. Les 3 paramètres utilisés étaient : l’indice de masse corporelle (IMC), l’Indice de Masse Grasse (IMG; masse grasse divisée par la taille au carré), mesurée par impédancemétrie et l’indice de masse musculaire (IMM; masse maigre divisée par la taille au carré). Les seuils de 25 kg/m² et 30 kg/m² ont été utilisés pour l’IMC. Un IMG élevé était défini par les seuils de  8,3 kg/m² (homme) et 11,8 kg/m² (femme). Un IMM bas était défini par les seuils de 17,4 kg/m² pour les hommes et 15,0 kg/m² pour les femmes. Les patients sarcopéniques étaient définis comme ayant un IMM bas, que leur IMG soit bas ou élevé.

Les patients, d’un âge moyen de 57 ans, étaient majoritairement des femmes (65,7%). Selon le critère de l’IMC, près des 2/3 des patients étaient en surpoids (34%) ou obèses (26%). D’après le «patient generated subjective global assessment» (PG-SGA), 76,6% d’entre eux présentaient un statut nutritionnel satisfaisant. La durée médiane de survie des patients en surpoids (2,64 ans) et obèses (2,61 ans) était significativement plus élevée que celle des patients dont l’IMC était compris entre 18,5 et 25 kg/m² (2,04 ans) ou < 18,5 kg/m² (0,52 ans). La survie des patients sarcopéniques était la plus courte, indépendamment de l’IMG. Selon le modèle analytique multivarié (régression de Cox), une masse musculaire faible constituait en effet un facteur prédictif indépendant de la mortalité, après ajustement pour les principaux facteurs de confusion : IMC, âge et stade de la tumeur. Les patients atteints d’obésité sarcopénique (n=2) présentaient le pronostic vital le plus menacé. Il est à noter que la plupart des patients ayant un IMG élevé étaient classés comme simplement en surpoids, voire de statut normal avec l’IMC et qu’une part non négligeable des patients sarcopéniques, notamment ceux sui avaient un IMG élevé  étaient également classés comme « normaux » par l’IMC. Au total, ce sont plus de 30% des sujets dont l’IMC était considéré comme normal qui n’avaient pas une composition corporelle normale. Un phénotypage plus fin que le seul IMC montre ici ses avantages.

Ces résultats tendent à montrer que le paradoxe de l’obésité dans le cancer n’existe que lorsque la corpulence est définie à partir de l’IMC. Lorsque la masse grasse et la masse maigre sont prises en compte simultanément, l’excès de masse grasse ne semble pas protecteur. L’évaluation du statut nutritionnel des patients cancéreux et le dépistage d’un IMM bas (sarcopénie), combinée ou non à un IMG élevé (obésité sarcopénique) devraient être organisés le plus tôt possible dans l’évolution de la maladie. Les patients cancéreux présentant un risque élevé de mortalité pourraient ainsi être identifiés par une évaluation de leur composition corporelle par DEXA ou impédancemétrie. Les stratégies de prise en charge, incluant notamment une alimentation et des exercices physiques adaptés, sont de nature à favoriser l’amélioration globale des résultats cliniques.

Source : Obesity paradox in cancer: new insights provided by body composition. Gonzales MC et al. Am J Clin Nutr. 2014 Feb 26.

Laisser un commentaire