Dans un essai randomisé contrôlé mené en vie réelle au Royaume-Uni, un régime fidèle aux recommandations de santé publique, suivi pendant 8 semaines, se traduit par une perte de poids d’autant plus grande que le régime est limité en aliments ultra-transformés. De quoi cibler spécifiquement ces produits dans de futures recommandations officielles ?
La consommation d’aliments ultra-transformés (UPF pour ultra-processed foods) est associée à un risque accru de nombreuses pathologies – maladies cardiovasculaires et cancers notamment – dans de multiples études épidémiologiques (voir notre précédente brève sur les maladies cardiovasculaires dans la cohorte Nutrinet Santé). Pour autant, des débats persistent autour des UPF dans la communauté scientifique : en particulier, ces associations résultent-elles simplement de la faible qualité nutritionnelle caractérisant de nombreux UPF, ou d’autres caractéristiques de ces produits (présence d’additifs, surconsommation liée à leur haute palatabilité…) ? Dans ce contexte, et alors même que plus de la moitié des apports énergétiques proviennent des UPF dans les pays occidentaux, les instances scientifiques s’interrogent sur l’intérêt de formuler, au-delà des recommandations alimentaires habituelles, des recommandations ciblant spécifiquement ces produits, et pointent le manque de données robustes à leur sujet. Pour y voir plus clair, des chercheurs britanniques ont entrepris un essai randomisé contrôlé (seulement le 3e recensé à ce jour sur les UPF) testant les effets des UPF sur la santé.
Démêler les effets respectifs de la qualité nutritionnelle et du degré de transformation
L’objectif des chercheurs était le suivant : comparer les effets d’un régime riche en aliments ultra-transformés aux effets d’un régime riche en aliments peu transformés (MPF, pour minimally processed foods), dans un contexte d’alimentation respectant des recommandations nutritionnelles et alimentaires du pays. Pour cela, il ont demandé à 55 adultes de consommer successivement ces deux types de régimes dans un ordre aléatoire (étude en cross-over), pendant 8 semaines chacun1. Les repas livrés aux participants pour une consommation à domicile présentaient ainsi des compositions nutritionnelles similaires respectant les recommandations officielles2, mais variant par le taux d’UPF ou de MPF : dans le régime « UPF », 91% des calories étaient issues d’aliments du groupe 4 de la classification Nova3 ; tandis que dans le régime « MPF », 82 % des calories provenaient du groupe 1. Les participants étaient libres de consommer autant (ou aussi peu) d’aliments qu’ils le souhaitaient (les menus étant établis pour fournir 4 000 kcal/j afin de garantir une situation de consommation ad libitum).
Des bénéfices supplémentaires de régimes riches en aliments peu transformés
Résultat principal de l’étude : les sujets perdaient du poids dans les deux conditions4. Toutefois, la perte de poids était significativement plus importante lors du régime MPF par rapport au régime UPF (-2,06 % versus -1,01 %). En outre, seul le régime MPF conduisait à une réduction de la masse grasse et de la graisse viscérale. Ces pertes de poids reflétaient les réductions d’apports caloriques constatées au cours des deux régimes par rapport aux apports habituels (calculées à partir des consommations déclarées par les participants) : – 504 kcal/j au cours du régime MPF et – 290 kcal/j au cours du régime UPF. En moyenne, les apports caloriques quotidiens estimés étaient de 1420 kcal/j en cas de régime MPF et de 1745 kcal/j pour le régime UPF.
Au niveau métabolique, des améliorations étaient enregistrées au cours du temps pour différents paramètres, soit au cours des deux régimes (ex. cholestérol total et non HDL), soit seulement au cours du régime MPF (hémoglobine glyquée et triglycérides), soit seulement au cours du régime UPF (glycémie à jeun, cholestérol LDL). Ces améliorations métaboliques pourraient en partie résulter des pertes de poids enregistrées dans les deux groupes. Toutefois, la perte de poids supérieure enregistrée au cours du régime MPF ne se traduisait pas par des améliorations métaboliques plus marquées5, peut-être du fait de la durée limitée de l’étude selon les chercheurs.
Enfin, l’attrait et la motivation pour des aliments hautement appétents ainsi que certains scores de « craving » (pulsions alimentaires irrépressibles) et la difficulté à résister à certains aliments, diminuaient au cours du régime MPF, mais pas UPF.
Vers de nouvelles recommandations ciblant spécifiquement les UPF ?
Si ces résultats viennent entériner les bénéfices potentiels d’une alimentation respectant les recommandations de santé publique, ils suggèrent des bénéfices supplémentaires d’une alimentation reposant essentiellement sur des aliments peu transformés, notamment sur les plans de la composition corporelle et de la régulation des pulsions alimentaires. Ces bénéfices pourraient résulter de la densité énergétique plus faible et d’une palatabilité plus faible du régime MPF (comme en attestent les notes attribuées par les participants), conduisant à un arrêt plus précoce de la prise alimentaire et donc à un apport calorique moins important. Le conditionnement des produits UPF (livrés aux participants dans leur packaging commercial original) pourrait aussi avoir influencé la perception santé de ces produits – nombre d’entre eux (céréales de petit-déjeuner, plats préparés, substituts végétaux aux produits animaux….) affichant des allégations nutritionnelles ou de santé – ainsi que la perception de ce qu’est d’une portion appropriée (consommation de la portion entière proposée en cas d’UPF versus un choix plus proactif de la portion pour les MPF).
Les chercheurs estiment ainsi que le degré de transformation des aliments devrait être considéré pour élargir la compréhension des liens entre l’alimentation et la santé, sans remplacer pour autant les considérations de nature nutritionnelle. Ils plaident en faveur de l’intégration de recommandations ciblant spécifiquement ces aliments dans les politiques de santé publique, qui viendraient compléter (et non remplacer) les recommandations existantes ciblant les apports nutritionnels.
Source : Dicken SJ, Jassil FC, Brown A, Kalis M, Stanley C, Ranson C, Ruwona T, Qamar S, Buck C, Mallik R, Hamid N, Bird JM, Brown A, Norton B, Gandini Wheeler-Kingshott CAM, Hamer M, van Tulleken C, Hall KD, Fisher A, Makaronidis J, Batterham RL. Ultraprocessed or minimally processed diets following healthy dietary guidelines on weight and cardiometabolic health: a randomized, crossover trial. Nat Med. 2025 Aug 4. doi: 10.1038/s41591-025-03842-0.
1 Avec 4 semaines de wash-out entre les deux périodes
2 glucides ≈ 50% de l’AET ; protéines ≈15% de l’AET ; lipides ≤ 35% de l’AET ; AGS ≤ 10% de l’AET ; sucres totaux < 90g/j ; sel < 6 g/j ; fibres > 30 g/j ; 5 fruits et légumes par jour…
3 Monteiro CA, Cannon G, Levy RB, Moubarac JC, Louzada ML, Rauber F, Khandpur N, Cediel G, Neri D, Martinez-Steele E, Baraldi LG, Jaime PC. Ultra-processed foods: what they are and how to identify them. Public Health Nutr. 2019 Apr;22(5):936-941. doi: 10.1017/S1368980018003762.
4 Interprétée comme une amélioration globale de la qualité du régime
5 à l’exception des triglycérides, dont la réduction apparaissait comme la seule variable métabolique à être significativement différente entre les deux régimes