Brève – Du microbiote maternel à la santé métabolique à l’âge adulte : effets transgénérationnels des émulsifiants

Des travaux chez la souris dévoilent comment les perturbations du microbiote maternel sous l’effet de certains émulsifiants se transmettent au microbiote de la descendance au cours de la période post-natale et se répercutent sur la construction des réponses immunitaires et la santé à long terme de celle-ci.

De précédents travaux avaient déjà pointé les effets néfastes de certains émulsifiants alimentaires à la fois sur le microbiote, l’inflammation intestinale et certaines maladies inflammatoires ou métaboliques (voir par exemple notre précédente brève sur les effets du carboxyméthylcellulose). De nouveaux travaux menés chez la souris par la même équipe révèlent que ces effets peuvent être transmis à la descendance au cours de la période périnatale – une fenêtre critique pour la maturation du système immunitaire – et impacter la santé à long terme de la progéniture. Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont exposé des souris femelles à du carboxyméthylcellulose (CMC) ou du polysorbate-80 (P80) via l’eau de boisson, de 10 semaines avant la gestation à 3 semaines après la naissance (sevrage). Par rapport à des animaux nés de mères non exposées aux émulsifiants, cette exposition induisait chez la progéniture :

• une altération précoce et transitoire de la composition du microbiote intestinal qui présente un « potentiel inflammatoire »¹ plus élevé, et des interactions modifiées avec l’épithélium intestinal (envahissement plus grand de la muqueuse intestinale par le microbiote…) ; ces différentes altérations se normalisant avec le temps ;
• des dérégulations métaboliques caractéristiques du syndrome métabolique à l’âge adulte en cas de régime occidental : gain de poids, stéatose hépatique, glycémie à jeun plus élevés ;
• une inflammation intestinale de bas grade plus élevée et une susceptibilité accrue aux colites.

Pour approfondir comment des modifications éphémères du microbiote chez les jeunes souris pouvaient impacter leur santé à long terme, les chercheurs se sont intéressés à des structures transitoires nommées GAPS² connues pour se former au cœur de l’épithélium intestinal au cours de la fenêtre post-natale à partir de cellules spécifiques (cellules caliciformes, ou goblet cells), permettant le passage d’antigènes issus du microbiote vers l’hôte, un mécanisme largement impliqué dans l’acquisition de la tolérance immunitaire et la formation d’une « empreinte » immunitaire agissant sur le long terme. Comme suspecté, une altération des GAPS était observée dans la descendance des souris exposées aux émulsifiants et leur restauration (induite pharmacologiquement) permettait de prévenir les troubles inflammatoires et métaboliques à l’âge adulte.

Source : Delaroque C, Rytter H, Bonazzi E, Huillet M, Ellero-Simatos S, Chatonnat E, Hao F, Patterson A, Chassaing B. Maternal emulsifier consumption alters the offspring early-life microbiota and goblet cell function leading to long-lasting diseases susceptibility. Nat Commun. 2025 Jul 29;16(1):6954. doi: 10.1038/s41467-025-62397-3.