Le microbiote pourrait augmenter la toxicité de certaines chimiothérapies en interagissant avec des composés alimentaires. Les mécanismes dépendraient des nutriments considérés et n’impliqueraient pas nécessairement les dérivés du métabolisme médicamenteux. Preuve de concept sur un modèle simplifié de C. elegans – E. Coli.
On le découvre chaque jour un peu plus : le microbiote intestinal est capable de moduler les effets et la toxicité de certains médicaments et expliquerait en partie les variabilités inter-individuelles observées en termes d’efficacité et de tolérance. Le régime alimentaire peut lui aussi modifier l’activité d’un médicament et la composition du microbiote. Une équipe a cherché à démêler cet entrelacement des relations entre médicament, microbiote et alimentation, en étudiant la toxicité d’un médicament largement utilisé pour le traitement des cancers du tractus digestif, la 5′-fluorodeoxyuridine (FUdR). L’équipe a travaillé sur un modèle simplifié de C. elegans (hôte) colonisé par des bactéries E. coli (microbiote) et a comparé les effets de deux composés alimentaires impliqués dans le métabolisme de l’ADN cellulaire : la thymidine (un nucléotide) et la sérine (un acide aminé).
Deux nutriments, deux toxicité distinctes
L’étude montre que ces deux composés augmentent la toxicité de la FUdR pour C. elegans via la machinerie cellulaire de E. coli, mais selon deux mécanismes distincts. La thymidine augmenterait la synthèse microbienne d’un dérivé toxique de la FUdR, le FUMP (pour 5-fluorouridine-5′-monophosphate), activant l’autophagie des cellules de C. elegans dans une proportion conduisant à sa mort. Quant à la sérine, elle inhiberait la synthèse par E. coli de nucléotides utilisés par C. elegans pour la synthèse d’ADN, conduisant également à sa mort.
Bien qu’ils portent sur un modèle simplifié ne reflétant pas la complexité des relations à l’œuvre chez des mammifères abritant un microbiote riche de milliers d’espèces bactériennes différentes, ces résultats témoignent de l’existence d’interactions entre des composés alimentaires et le microbiote augmentant la toxicité d’un médicament ; sans que cela ne fasse nécessairement intervenir les métabolites médicamenteux ou le métabolisme de l’hôte.
Source : Ke W, Saba JA, Yao CH, et al. Dietary serine-microbiota interaction enhances chemotherapeutic toxicity without altering drug conversion. Nat Commun. 2020;11(1):2587.