Des spécificités du tissu adipeux jusqu’aux derniers traitements à base d’analogues du GLP-1, en passant par les gènes impliqués et les prises en charge de la maladie : une revue fait le point sur les connaissances scientifiques à date sur l’obésité
Bien qu’elle soit reconnue par l’OMS comme une maladie à part entière depuis près de 30 ans, l’obésité est encore trop souvent mal comprise et perçue dans la société. Pour les patients, c’est la double peine : stigmatisations et discriminations s’ajoutent aux complications de santé. Pour « démystifier » l’obésité, des chercheurs brésiliens ont rassemblé dans une revue les connaissances scientifiques actuelles sur la compréhension de cette pathologie, ses causes, sa prise en charge et sa prévention.
Adipocytes et inflammation
L’obésité est définie par un excès de masse grasse localisée dans le tissu adipeux. L’expansion du tissu adipeux résulte de l’hyperplasie des adipocytes (multiplication des cellules), de leur hypertrophie (augmentation de la taille des cellules) ou d’une combinaison des deux phénomènes. Toutefois, c’est l’hypertrophie des adipocytes qui a été associée à la production de cytokines inflammatoires (ex ; TNF-α) et à l’inflammation chronique de bas-grade. Une telle inflammation n’est en effet pas observée chez les personnes atteintes d’obésité dont le tissu adipeux est hyperplasique, sans hypertrophie des adipocytes. La présence d’une inflammation de bas-grade en cas d’obésité reste toutefois la plus fréquente, avec des conséquences métaboliques importantes : elle contribue à l’apparition de maladies telles que le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires. Plus récemment, elle a dramatiquement contribué à la sévérité des infections par le SARS-Cov-2, en favorisant les « tempêtes cytokiniques », réponse immunitaire massive et incontrôlée qui cause des lésions graves aux tissus et aux organes et peut être à l’origine du syndrome de détresse respiratoire aiguë (ARDS).
Le rôle des gènes et de l’environnement
On considère aujourd’hui que la plupart des cas d’obésité sont dus à la combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Chez la plupart des patients, la présence de plusieurs variants génétiques « à faible effet » sur la balance énergétique interagissent avec des facteurs de l’environnement et favorisent l’apparition d’une obésité. Cependant, chez certains patients, la maladie est liée à des mutations dans un seul gène présentant un effet important. Parmi les gènes impliqués, on peut par exemple citer ceux codant pour la production de leptine – cette hormone produite par le tissu adipeux rendant compte des réserves énergétiques de l’organisme – ou de son récepteur dans l’hypothalamus (qui sert à moduler l’activité des neurones orexigènes et anorexigènes régulant la prise alimentaire).
Une prise en charge multidimensionnelle
Il n’existe à ce jour pas de traitement unique « miraculeux » de la maladie. Une approche multidimensionnelle et personnalisée est aujourd’hui considérée comme la meilleure stratégie.
- Parmi les différentes interventions, la prise en charge nutritionnelle reste le cœur des traitements. Objectif ? Créer un déficit énergétique afin de provoquer une perte de poids, en orientant les choix alimentaires des patients vers des aliments de plus faible densité énergétique – et en leur apprenant à les connaître (éducation nutritionnelle). Cette approche est généralement couplée à une prescription d’activité physique. Si les régimes plébiscités ne manquent pas, peu d’entre eux ont démontré une réelle efficacité sur la gestion du poids à long terme. Les régimes riches en produits végétaux de haute qualité nutritionnelle (fruits, légumes, produits céréaliers complets, fruits à coque, etc.) tels que les régimes méditerranéens et DASH1 sont associés aux plus grands bénéfices (sur la réduction du poids corporel mais aussi sur d’autres marqueurs métaboliques comme le cholestérol LDL, l’hémoglobine glyquée…). En revanche, les chercheurs mettent en garde contre d’autres régimes, difficiles à tenir dans le temps, dont les effets ne sont pas démontrés au-delà du court terme, et qui peuvent présenter des risques. Quoi qu’il en soit, perdre du poids, et maintenir cette perte de poids dans le temps, reste un défi compte tenu des résistances physiologiques de l’organisme à celle-ci, et notamment l’augmentation de l’appétit et de la sensation de faim.
- Les traitements médicamenteux de l’obésité, tels que les analogues du GLP-1 médiatisés ces dernières années ciblent d’ailleurs les circuits de régulation de l’appétit et permettent des pertes de poids de l’ordre de 10 à 20 % selon les molécules. Toutefois, en France, ces médicaments sont prescrits uniquement en deuxième intention, en cas d’échec de la prise en charge nutritionnelle, et en association à un régime hypocalorique et à une activité physique2.
- Quant à la chirurgie bariatrique, elle est proposée aux patients atteints d’une obésité sévère pour lesquels les autres traitements se sont révélés inefficaces. Anneau gastrique, by-pass, sleeve gastrectomie… ces différentes interventions chirurgicales consistent à modifier l’anatomie du tractus gastro-intestinal afin de limiter la quantité de nourriture que l’estomac peut contenir et/ou à réduire l’absorption des nutriments.
Le rôle crucial des politiques publiques
Tout comme les traitements, les politiques publiques pour la prévention et la bonne prise en charge de l’obésité doivent reposer un éventail de mesures allant de la création d’environnements de vie propices à la santé (infrastructures favorisant l’activité physique, mesures mettant en avant une offre alimentaire saine et accessible à tous, encadrement du marketing alimentaire) à l’amélioration des parcours de soin des patients, en passant par l’éducation alimentaire et la lutte contre les discriminations des personnes en situation d’obésité. En somme : créer un cadre qui, au lieu de participer à la stigmatisation des personnes atteintes par la maladie, les soutient.
Source : Minari TP, Manzano CF, Yugar LBT, Sedenho-Prado LG, de Azevedo Rubio T, Tácito LHB, Pires AC, Vilela-Martin JF, Cosenso-Martin LN, Ludovico ND, Fattori A, Yugar-Toledo JC, Moreno H, Pisani LP. Demystifying Obesity: Understanding, Prevention, Treatment, and Stigmas. Nutr Rev. 2024 Oct 17:nuae144. doi: 10.1093/nutrit/nuae144.
1 Dietary Approaches to Stop Hypertension
2 Position de l’ANSM du 13 novembre 2024