La restriction chronique de sommeil pourrait prédisposer à l’obésité en encourageant la prise alimentaire et l’accumulation de graisses viscérales.
Le manque de sommeil a été associé au risque d’obésité, de morbidité et de mortalité prématurée dans des études d’observation mais il existe peu d’études expérimentales décrivant son impact sur le poids, la composition corporelle et les apports alimentaires chez l’Homme. Une équipe de chercheurs américaine a mis en place un essai randomisé contrôlé en laboratoire pour combler ce manque.
14 jours de restriction de sommeil
Douze sujets jeunes de poids normal et sans problème de sommeil ont ainsi passé deux périodes de 21 jours au laboratoire (dans un ordre aléatoire) :
-
Une période imposait une restriction de sommeil (coucher : 0h30, lever : 4h30) pendant 14 jours ;
-
Pendant la période témoin, de 14 jours également, les sujets pouvaient dormir 9 h par nuit (coucher : 22h, lever : 7h).
Chaque période était précédée de 4 jours d’acclimatation et suivie de 3 jours de récupération. Les apports alimentaires, la dépense énergétique et la composition corporelle (dont la répartition des graisses des sujets) étaient mesurés avant et après chaque période.
Excès caloriques et prise de poids à la clé
Par rapport à la situation témoin, la restriction de sommeil avait pour effet :
-
Une augmentation de 308 kcal/jour des calories ingérées, et en particulier des graisses (+ 17 %) et des protéines (+ 13 %) ;
-
Un gain de poids de 500 g ;
-
Un changement de la répartition des graisses corporelles en faveur d’une localisation abdominale (+ 9 %), avec une accumulation des dépôts sous-cutanés (+ 4 %) et viscéraux (+ 11 %).
En revanche, aucun effet n’était noté sur le métabolisme de base (dépense énergétique de repos), la thermogénèse alimentaire, la dépense énergétique liée aux activités non sportives (s’assoir, se tenir debout, marcher) , et celle liée à l’activité physique. Les niveaux circulants de différentes hormones – leptine, ghréline, cortisol, anandamide et 2-arachidonoylglycérol – n’étaient pas non plus modifiés.
Des mécanismes à identifier
Les mécanismes impliqués dans ces phénomènes sont difficiles à déterminer.
-
L’hyperphagie, qui survient dès le début de l’expérimentation, n’est pas une réponse adaptative à une augmentation des besoins énergétiques puisqu’aucun changement des composantes de la dépense énergétique n’est noté. De même, aucun dérèglement des hormones de l’appétit n’est observé.
-
L’accumulation préférentielle des graisses au niveau viscéral, qui se poursuit pendant la phase de récupération, ne s’explique pas par une dérégulation des hormones de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (cortisol) ou du système endocannabinoïde (anandamide et 2-arachidonoylglycérol), qui restent inchangées.
Ces données doivent, selon les auteurs, alerter les acteurs de la santé publique sur l’impact délétère du manque de sommeil sur le risque d’adiposité viscérale et ses conséquences métaboliques. Et ce d’autant que de courtes périodes de rattrapage de sommeil (le weekend par exemple) ne semblent pas à même de stopper le processus d’accumulation des graisses au niveau viscéral, d’après les résultats observés sur les périodes de récupération dans l’étude.
Source : Covassin N, Singh P, McCrady-Spitzer SK et al. Effects of Experimental Sleep Restriction on Energy Intake, Energy Expenditure, and Visceral Obesity. J Am Coll Cardiol. 2022 Apr 5;79(13):1254-1265.