On suspectait son existence mais elle n’avait pas encore été identifiée : des chercheurs ont découvert une nouvelle population de neurones anorexigènes au rôle clé dans la régulation de la prise alimentaire et de l’adiposité, sous le contrôle de la leptine. Ils publient leurs résultats dans Nature
La leptine assure le contrôle homéostatique des réserves adipeuses en agissant sur deux populations de neurones connues, sensibles à cette hormone, situées dans le noyau arqué de l’hypothalamus : elle active les neurones POMC, anorexigènes ; et inhibe les neurones AGRP/NPY, orexigènes. Toutefois, ces effets opposés ne sont pas totalement symétriques : par exemple, la temporalité d’action de ces deux populations diffèrent, avec des effets plus immédiats des neurones AGRP/NPY. L’existence d’autres populations de neurones anorexigènes, qui produiraient des effets dans le même pas de temps que les neurones AGRP/NPY, était ainsi suspectée…
Une nouvelle pièce clé au puzzle de la régulation de la prise alimentaire
De nouveaux travaux menés dans le laboratoire de Jeffrey Friedman (célèbre pour sa découverte de la leptine dans les années 1990) et publiés dans Nature, menés essentiellement chez la souris, viennent d’identifier cette population de neurones. Les chercheurs ont en effet screené tous les neurones de l’hypothalamus exprimant le récepteur de la leptine et ont identifié une nouvelle population n’exprimant ni les gènes codant pour les peptides AGRP, ni NPY, ni POMPC. En revanche, cette population de neurones exprime un gène spécifique, BNC2 (déjà connu comme associé à l’indice de masse corporelle, la distribution adipeuse, le diabète…)
À travers une série d’expériences, les chercheurs montrent que :
- les neurones BNC2 s’activent rapidement sous l’effet de la leptine, de la présentation d’aliments et de la consommation d’aliments.
- le niveau d’activation augmente lors de la consommation effective de nourriture (versus la seule présentation), a fortiori quand les animaux sont à jeun et quand l’aliment proposé est appétent.
- la prise alimentaire se trouve réduite lorsque l’on active artificiellement ces neurones chez les animaux ; à l’inverse, l’inactivation des neurones BNC2 augmente la prise alimentaire et la prise de poids des animaux.
- l’effet des neurones BNC2 passe en partie par l’inhibition des neurones orexigènes AGRP/NPY.
- les neurones BNC2 participent également à l’homéostasie glycémique, indépendamment de leur effet sur la prise alimentaire et le gain de poids des animaux
Ces résultats révèlent ainsi un nouvel élément clé du circuit neuronal régulant l’appétit et l’adiposité, mais aussi la glycémie, ouvrant la voie à des nouvelles stratégies thérapeutiques pour la prise en charge des maladies non transmissibles telles que l’obésité et ses complications métaboliques.
Source : Tan HL, Yin L, Tan Y, Ivanov J, Plucinska K, Ilanges A, Herb BR, Wang P, Kosse C, Cohen P, Lin D, Friedman JM. Leptin-activated hypothalamic BNC2 neurons acutely suppress food intake. Nature. 2024 Dec;636(8041):198-205. doi: 10.1038/s41586-024-08108-2.