Les acides gras-polyinsaturés à longue chaîne réguleraient l’inflammation en partie par leur contrôle de la configuration des radeaux lipidiques, ces plateformes au sein des membranes plasmiques orchestrant les réponses cellulaires.
On le sait, les acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC), et leur ratio dans le régime alimentaire, participent largement à la régulation de l’inflammation. À travers un point à date sur les travaux des 20 dernières années, des chercheurs mettent en lumière le rôle majeur dans ce processus d’une structure biologique présente dans la bicouche lipidique des membranes cellulaires : les radeaux lipidiques.
Des plateformes d’orchestration des réponses cellulaires
Ces structures éphémères, hautement structurées, enrichies en cholestérol et en sphingolipides, qui se forment et se réorganisent au gré de différents stimuli, regroupent des protéines et des lipides formant des plateformes éphémères de régulation de la signalisation cellulaire. Selon leur configuration, ces structures facilitent ou inhibent les interactions moléculaires au niveau des membranes nécessaires aux cascades de signalisation (ex. interactions entre des protéines, dimérisation d’un récepteur membranaire pour le rendre fonctionnel…). Les radeaux lipidiques sont notamment présents dans les membranes de nombreuses cellules immunitaires tels que les macrophages et les lymphocytes et régulent ainsi largement les réponses immunitaires et l’inflammation. Or, de nombreux travaux, in vitro, in vivo, et sur des modèles de membranes biomimétiques, ont montré que l’incorporation d’AGPI-LC (et de leurs produits d’oxydation) dans les membranes phospholipidiques perturbe la composition lipidique (lipidome) des radeaux lipidiques, et de fait leur organisation, leur taille et leur degré de regroupement.
L’agencement spatial des lipides, au cœur des mécanismes ?
L’un des mécanismes mis en avant – bien que ni consensuel ni totalement élucidé à l’heure actuelle – pointe le déroulé suivant : l’incorporation d’AGPI-LC (dont la structure est fluide, du fait de leurs doubles liaisons), et notamment du DHA, dans les membranes conduirait le cholestérol (de structure rigide, et peu compatible structurellement avec les APGPI-LC) à se déplacer et à se relocaliser au niveau des radeaux, augmentant leur taille et leur degré d’organisation. Ces réorganisations au niveau des radeaux lipidiques se traduiraient par une modulations (inhibition ou activation) de certaines voies de signalisation impliquées dans l’inflammation et la réponse immunitaire. Des travaux in vitro sur des macrophages ont par exemple montré que les réorganisations engendrées au niveau des radeaux lipidiques par l’ajout de DHA1 au milieu inhibent la dimérisation d’un récepteur TLR 4 (Toll-like receptors), une étape indispensable au déclenchement de la réponse immunitaire et inflammatoire. D’autres travaux suggèrent que ces mêmes mécanismes pourraient aussi moduler la production et la sécrétion de cytokines inflammatoires par les lymphocytes.
Source : Virk R, Cook K, Cavazos A, Wassall SR, Gowdy KM, Shaikh SR. How Membrane Phospholipids Containing Long-Chain Polyunsaturated Fatty Acids and Their Oxidation Products Orchestrate Lipid Raft Dynamics to Control Inflammation. J Nutr. 2024 Sep;154(9):2862-2870. doi: 10.1016/j.tjnut.2024.07.015.
1 Acide docosaheahénoïque