Parfois questionnés, les bénéfices santé du régime EAT-Lancet, proposé en 2019 pour nourrir la population mondiale de façon saine et dans le respect des limites planétaires, sont observés dans deux nouvelles études d’ampleur prenant soin de mesurer de façon nuancée le degré d’adhésion à ce régime.
En 2019, la Commission EAT-Lancet, réunissant des experts internationaux des domaines de la nutrition, santé, environnement et politiques publiques, proposait une définition d’un régime1 permettant d’améliorer la santé et de nourrir sainement une population mondiale croissante, tout en limitant les impacts environnementaux, en particulier les émissions de gaz à effets de serre, liés à l’alimentation. Ce régime propose des quantités de référence pour quinze groupes alimentaires : plus précisément, pour chaque groupe, une quantité cible de référence est proposée, accompagnée d’une fourchette autour de cette valeur optimale, afin de permettre des variations en fonction des disponibilités et préférences alimentaires des populations et des individus.
Depuis sa sortie, les bénéfices santé du régime EAT-Lancet ont été évalués dans de nombreuses études mais n’ont pas toujours été retrouvés, alimentant des controverses autour de ce régime2.
Le PHDI, pour mesurer la proximité au régime de référence EAT-Lancet
La méthode employée pour mesurer l’adhésion des individus au régime pourrait être à l’origine des résultats disparates observés entre études. En effet, la plupart des études n’ayant pas observé d’association significative ont eu recours à des outils binaires pour évaluer le respect des quantités préconisées (oui/non). Or, il existe un score mesurant de façon plus nuancée le degré d’adhésion au régime EAT-Lancet : le Planetary Health Diet Index (PHDI). Le PHDI est calculé à partir des consommations auto-déclarées de quinze groupes alimentaires. Il peut être compris entre 0 et 140 : pour chaque groupe, 0 à 10 points sont attribués selon la proximité des quantités consommées avec la valeur cible de référence (NB : 0 à 5 points pour les légumineuses et les produits du soja).
Deux études d’ampleur sur des cohortes américaines et européennes réunissant chacune des dizaines de milliers de participants, et procédant à des analyses ajustées sur de nombreux facteurs de confusion, rapportent les réductions de risques observées chez les individus affichant les scores d’adhésion les plus élevés.
Réduction de survenue des maladies cardiovasculaires
Dans une première étude menée à partir des données de 114 165 sujets de la UK Biobank suivis pendant 10 ans, le risque de survenue de maladies cardiovasculaires (toutes confondues) était réduit de 20 % environ chez ceux dont le score PHDI était le plus élevé. En particulier, des réductions significatives étaient observées pour les cardiopathies ischémiques, les fibrillations atriales, et l’insuffisance cardiaque. Surtout, ces réductions de risques étaient observées quelles que soient les prédispositions génétiques des individus aux maladies cardiovasculaires (risque génétique faible, intermédiaire ou élevé).
Réduction de la mortalité prématurée
Dans une seconde étude, les chercheurs de l’équipe de Walter Willett à Harvard (qui a participé au développement du régime EAT-Lancet et au score PHDI) ont réuni les données des trois grandes cohortes de professionnels de santé américaines (66 692 femmes de la Nurses’ Health Study, 92 438 femmes de Nurses’ Health Study 2 et 47 274 hommes de la Health Professionals Follow-up Study), suivies jusqu’à 34 ans. Résultats ? La plus grande adhésion au régime EAT-Lancet allait de pair avec des risques réduits de 23 % pour la mortalité toutes causes, de 14 % pour la mortalité cardiovasculaire, de 10 % pour la mortalité par cancer, de 47 % pour la mortalité respiratoire et de 28 % pour la mortalité liée à de maladies neurodégénératives. Des réductions tout à fait comparables (voire supérieures) à celles obtenues lorsque d’autres scores mesurant la qualité nutritionnelle des régimes (ex. Healthy Eating Index, Alternate Mediterranean Diet) sont utilisés. Le régime EAT-Lancet, construit à la fois en tenant compte d’enjeux nutritionnels et environnementaux, ne défavoriserait donc pas la santé au profit des considérations environnementales.
Les impacts environnementaux, quant à eux – émissions de gaz à effet de serre réduites de 29 %, besoins de fertilisants de 21 %, utilisation des terres de 21 % et besoins en eaux de 13 % pour les plus hauts scores PHDI – se révèlent supérieurs ou équivalents à ceux observés avec d’autres scores de qualité du régime.
Ainsi, alors que des débats (parfois houleux) ont questionné le régime EAT-Lancet, les résultats des études à son sujet pourraient bien dépendre de la qualité des outils utilisés pour mesurer l’adhésion des individus.
Sources :
- Ye YX, Chen JX, Li Y, Lai YW, Lu Q, Xia PF, Franco OH, Liu G, Pan A. Adherence to a planetary health diet, genetic susceptibility, and incident cardiovascular disease: a prospective cohort study from the UK Biobank. Am J Clin Nutr. 2024 Jun 29:S0002-9165(24)00586-0. doi: 10.1016/j.ajcnut.2024.06.014.
- Bui LP, Pham TT, Wang F, Chai B, Sun Q, Hu FB, Lee KH, Guasch-Ferre M, Willett WC. Planetary Health Diet Index and risk of total and cause-specific mortality in three prospective cohorts. Am J Clin Nutr. 2024 Jul;120(1):80-91. doi: 10.1016/j.ajcnut.2024.03.019.
1 Ce régime met l’accent sur une consommation élevée d’aliments d’origine végétale de haute qualité (céréales complètes, légumes, fruits, fruits à coque et légumineuses, huiles végétales non saturées, etc.), des quantités faibles à modérées d’aliments d’origine animale et une faible consommation de de graisses saturées, de céréales raffinées et de sucre.
2 Par exemple : Zagmutt FJ, Pouzou JG, Costard S. The EAT-Lancet Commission’s Dietary Composition May Not Prevent Noncommunicable Disease Mortality. J Nutr. 2020 May 1;150(5):985-988. doi: 10.1093/jn/nxaa020.