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Santé cardiovasculaire : et si seuls les aliments protecteurs comptaient ? L’éclairage de l’étude PURE

Fruits, légumes, légumineuses, fruits à coques, poisson et produits laitiers… un régime riche en aliments favorables – sans tenir compte de sa composition en aliments/nutriments à limiter – réduit les risques de mortalité et cardiovasculaire : ces données obtenues auprès de 245 000 participants de 80 pays pourraient-elles faire évoluer les messages et politiques de santé vers des recommandations ciblant plus spécifiquement les aliments bénéfiques ?

 

Score DASH, méditerranéen, Healthy Eating Index (HEI)… plusieurs scores mesurant la qualité globale du régime alimentaire ont été mis au point et testés quant à leur relation avec la santé, notamment cardiovasculaire. Toutefois, ces scores incluent à la fois des composants du régime jugés favorables (qui donnent des points positifs pour le calcul du score) et défavorables (points négatifs), et la plupart des études ont été réalisées jusqu’ici dans des pays occidentaux. D’où l’initiative de chercheurs de l’Université d’Hamilton, au Canada, qui pilotent la vaste étude internationale PURE, incluant 21 pays de divers niveaux de revenus : construire un score n’incluant que des composants favorables du régime, observer les relations entre ce score et la mortalité et morbidité cardiovasculaire selon les pays, et comparer les résultats obtenus avec ce nouveau score et ceux précédemment développés.

 

Un score intégrant uniquement des composants favorables…

Les données de 147 642 participants de la cohorte PURE ont ainsi été analysées, complétées par les données de 3 études prospectives et de 2 études cas-témoins également pilotées par le Population Health Research Institute de l’Université d’Hamilton, portant in fine l’échantillon analysé à près de 245 000 participants résidant dans 80 pays. Pour construire le score ‘PURE’ de qualité du régime, les chercheurs ont considéré les consommations de 6 groupes d’aliments associés à un risque réduit de mortalité dans la littérature : fruits, légumes, légumineuses, fruits à coques, poisson et produits laitiers (dont produits entiers non allégés en matières grasses). Pour chacun de ces groupes, un point était attribué en cas de consommation supérieure à la médiane de consommation dans la population considérée (0 point sinon), donnant un score global pouvant aller de 0 à 6.

 

prédit efficacement la mortalité et les évènements cardiovasculaires

Premier enseignement de l’étude PURE : les régimes présentant les scores les plus élevés (≥ 5 points, c’est-à-dire riches en au moins 5 des groupes d’aliments favorables considérés) étaient associés à une réduction du risque de mortalité d’environ 30 % et de maladies cardiovasculaires (infarctus, AVC, insuffisance cardiaque) de 20 % environ, par rapport aux régimes les moins favorables (score ≤1). Chaque augmentation du score de 20 % était associée à des réductions de risque de mortalité de 8 % et de risque cardiovasculaire de 6 %. Toutefois, cette relation n’était pas constante sur toute la gamme de score : elle était beaucoup plus marquée chez les participants présentant les scores le plus faibles. Autrement dit, ces derniers pourraient gagner davantage à améliorer la qualité de leur régime.

Pour tester le poids de chacun des 6 groupes alimentaires dans les relations observées (analyses de sensibilité), les chercheurs les ont ôtés un à un des modèles, ce qui n’a que très modérément modifié les résultats. Traduction ? Chacun des 6 groupes contribue de façon similaire aux relations observées. Par ailleurs, le fait d’inclure d’autres groupes d’aliments comme les produits céréaliers complets ou les viandes rouges non transformées au score PURE ne changeait rien aux associations observées. Pour les auteurs, cela suggère que ces deux groupes alimentaires ne modifient pas sensiblement les risques et qu’ils ne sont donc pas des aliments cibles prioritaires pour la santé (cardiovasculaire), à inclure ou exclure dans des régimes sains.

 

Des résultats observés dans tous les pays et reproduits dans d’autres cohortes

Les chercheurs ont ensuite comparé les résultats en fonction des pays, et plus précisément de leur situation géographique et de leur niveau de revenu. Si les relations rapportées ci-dessus se vérifiaient pour tous les pays, niveaux de revenus, et zones géographiques, elles s’avéraient plus marquées pour les pays d’Asie du Sud, la Chine, et l’Afrique, et plus généralement pour les pays à bas revenu. Et pour cause : ces pays sont ceux dont la qualité du régime est la plus faible.

Ces associations étaient observées dans les trois autres études prospectives et les deux études cas-témoins analysées ; et similaires chez des adultes déjà atteints ou non de maladies cardiovasculaires ou diabète. Ainsi, ces résultats valident qu’un score construit uniquement sur la teneur du régime en aliments « protecteurs » (par opposition à des scores intégrant aussi des points pénalisant certains groupes alimentaires considérés à risque) suffit à prédire les risques de mortalité et cardiovasculaire.

Pour entériner ce résultat, les chercheurs ont comparé les associations obtenues avec leur score à celles obtenues avec d’autres scores mesurant la qualité du régime, et notamment le HEI, le score méditerranéen, le score DASH et le score pour la santé et la planète (Planetary Health Score, développé par la Commission EAT-Lancet). Les réductions de risque observées avec le score PURE étaient généralement similaires ou légèrement plus fortes que celles observées avec les autres scores (et substantiellement plus forte que celles observées avec le Planetary Health Score), suggérant une capacité prédictive au moins équivalente, sinon légèrement meilleure, du score PURE.

 

Quelle implications pour la santé publique ?

Pour les chercheurs, ces différents résultats ont plusieurs implications. En premier lieu, ils apportent des éléments de preuve des risques associés à des apports faibles en fruits, légumes, légumineuses, fruits à coques, poisson, produits laitiers, dans tous les pays et zones géographiques du globe, et a fortiori dans les pays à bas revenus, alors que les données à ce sujet sont généralement observées dans les pays occidentaux. Ainsi, et sous réserve que les relations observées soient causales, augmenter la consommation de ces groupes bénéfiques, en particulier dans les pays à bas revenus, pourraient contribuer de façon significative à réduire les maladies cardiovasculaires et la mortalité.

Par ailleurs, au vu des bonnes performances de prédiction des risques obtenues avec le score PURE, les chercheurs jugent que l’insuffisance de consommation de certains groupes alimentaires bénéfiques pourrait être plus problématique pour la santé que la surconsommation d’autres groupes ou nutriments jugés néfastes (ex : sources d’acides gras saturés comme certaines viandes ou certains produits laitiers entiers). Or cette conclusion contraste avec les recommandations alimentaires de nombreux pays, qui mettent encore souvent l’accent sur les risques liés à la suralimentation et les nutriments/aliments à réduire, plutôt que sur les aliments favorables à augmenter. Et bien que les évolutions positives soient observées en ce sens dans les recommandations les plus récentes, les politiques publiques en découlant (ex : étiquetages simplifiés en face avant des emballages…) et les efforts de l’industrie (ex : reformulations focalisées sur les nutriments à éviter…) ont encore du mal à se mettre au diapason.

 

Source : Mente A, Dehghan M, Rangarajan S et al. Diet, cardiovascular disease, and mortality in 80 countries. Eur Heart J. 2023 Jul 21;44(28):2560-2579. doi: 10.1093/eurheartj/ehad269. PMID: 37414411; PMCID: PMC10361015.