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Sucres intrinsèques, sucres libres liquides, sucres libres solides… quels liens avec la mortalité ?

Des chercheurs ont observé le risque de mortalité dans la cohorte britannique UK Biobank selon les niveaux d’apports en sucres, en distinguant leur origine (sucres intrinsèques ou sucres libres) et leur source (boissons ou aliments solides).

 

En matière de recommandations d’apports en sucres, l’OMS distingue les sucres libres des sucres intrinsèques. Seuls les sucres libres (définis comme les sucres ajoutés aux aliments par les fabricants et les consommateurs, mais aussi ceux présents naturellement dans les jus de fruits, miels, et sirops végétaux) font l’objet d’une limite maximale de consommation recommandée, établie à 10 % de l’apport énergétique quotidien (soit 50 g/j de sucres libres pour un apport de 2 000 kcal/j), voire 5 % (soit 25 g/j) pour des bénéfices santé supplémentaires. Toutefois, l’OMS ne distingue pas les différentes sources de sucres libres dans ses recommandations (ex : ceux issus des aliments solides versus boissons), et peu d’études se sont intéressées aux effets spécifiques des sucres intrinsèques.

Près de 187 000 adultes suivis pendant 12 ans

Des chercheurs ont ainsi voulu préciser les effets différentiels des différents types de sucres, libres et intrinsèques, et des différentes sources de sucres libres, à travers une nouvelle analyse des données de 186 811 sujets de la cohorte britannique UK BioBank. Pour cela, ils ont observé le risque de mortalité des sujets, suivis pendant 12 ans en moyenne, en fonction de leurs apports en sucres (estimés à partir de rappels de 24 h). Les analyses étaient ajustées sur les nombreux facteurs de confusion potentiels, tels que l’âge, l’IMC, le niveau de vie, la santé globale, la consommation de tabac ou d’alcool, l’activité physique, etc.

Sucres intrinsèques : pas d’association avec la mortalité

Conformément à l’hypothèse des chercheurs, les associations avec la mortalité différaient entre sucres libres et sucres intrinsèques, alors que les niveaux d’apports étaient similaires (63 et 67 g/j respectivement). Aucune association n’était observée entre la consommation de sucres intrinsèques et le risque de mortalité, même pour les niveaux d’apports les plus élevés. En revanche, le risque de mortalité augmentait avec les apports en sucres libres, selon une relation dose-dépendante : il était 12 % plus élevé chez ceux consommant 100 g de sucres libres par jour versus ceux n’en consommant que 25 g/j.

 

Sucres libres : distinguer les boissons des aliments solides

Alors que les sucres libres provenant des boissons étaient associés de manière dose dépendante au risque de mortalité, une telle relation n’était pas retrouvée pour les sucres libres provenant des aliments solides. Il existait toutefois une hétérogénéité à l’intérieur de chacune des catégories :

  • Pour les boissons, l’association avec la mortalité est observée avec les sucres libres provenant des sodas/boissons aux fruits et des boissons lactées (ex : yaourts à boire, lait aromatisés…) mais pas avec ceux provenant des jus de fruits ni du thé ou du café. Ainsi, un apport quotidien de 40 g de sucres libres provenant de sodas ou boissons aux fruits (soit environ la quantité de sucres que contient une canette de 33 cL) était associé à un risque de mortalité accru de 9 % environ, par rapport à un apport nul. L’augmentation du risque de mortalité était encore plus marquée pour les sucres provenant des boissons lactées, avec une surmortalité de l’ordre de 20 % pour des apports en sucres libres de 20 g/j. Si l’association entre sodas et mortalité a souvent été observée, c’est la première fois que les sucres libres des boissons lactées sont quant à eux associés à une hausse du risque de mortalité. Quant au thé et au café, les chercheurs soulignent le manque d’études sur les effets d’un ajout de sucres à ces boissons, et n’excluent pas que l’absence d’association ici observée puisse être liée à des biais résiduels plus qu’à une absence d’effets de ces sucres – les buveurs de thé et de café pouvant être différents (en termes de comportement de santé, d’alimentation, etc.) des consommateurs de sodas par exemple. Il faut aussi noter que les quantités de sucres consommées dans ce groupe sont plus faibles. A noter que la consommation de jus de fruits, bien que contenant des sucres libres selon la définition de l’OMS, mais sans sucres rajoutés, n’augmente pas le risque de mortalité.

 

  • Pour les aliments solides, aucune association n’était observée pour ceux provenant des céréales de petit-déjeuner, d’ingrédients sucrants (sucre de table, confiture, miel, pâte à tartiner…) ou de sauces (ex : ketchup…). Les sucres libres présents dans les gâteaux, biscuits et autres confiseries étaient quant à eux associés au risque de mortalité, mais ce sans effet dose (relation en U) et dans une partie des modèles testés seulement, limitant la robustesse de ce résultat.

Quoi qu’il en soit, les chercheurs estiment que des recommandations ciblant des sources spécifiques de sucres libres et en particulier les sodas et les boissons lactées, pourraient être plus efficaces en termes de santé publique. Des études indépendantes sont toutefois nécessaires pour confirmer les résultats obtenus et étudier d’autres indicateurs que la mortalité, tels que la survenue de maladies métaboliques, cardiovasculaires ou de cancers.

 

Source : Kaiser A, Schaefer SM, Behrendt I, Eichner G, Fasshauer M. Association of all-cause mortality with sugar intake from different sources in the prospective cohort of UK Biobank participants. Br J Nutr. 2023 Jul 28;130(2):294-303. doi: 10.1017/S0007114522003233.