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Les consommations protéiques des français, indicateurs de l’alimentation durable ?

Deux équipes se sont penchées sur les relations entre d’une part, les consommations de protéines animales des Français, et d’autre part, la qualité nutritionnelle de l’alimentation, son impact environnemental – et même son coût dans une des deux études – … Trois dimensions essentielles à faire converger pour tendre vers une alimentation durable.

Végétaliens, pesco-végétariens, ovo-lacto-végétariens, flexitariens, petits ou grands consommateurs de viandes (rouges ou blanches) et/ou d’autres produits animaux : les consommations d’aliments sources de protéines animales ne manquent pas de nuances, qualitatives ou quantitatives… Or, ces consommations sont à la fois associées à la qualité nutritionnelle, à l’impact environnemental et au coût de l’alimentation, trois dimensions essentielles entrant en jeu dans la définition d’une alimentation durable. Dans ce contexte, deux équipes de recherche françaises se sont penchées sur les relations entre la consommation protéique et ces différentes dimensions de durabilité, et sur la façon de les optimiser, à partir des données de deux études nationales.

Cinq profils de consommateurs de protéines

Dans la première étude, les chercheurs ont analysé les consommations protéiques observées chez 1 125 adultes de l’étude INCA 3 (dernière enquête nationale représentative des consommations alimentaires des Français1). Ils ont identifié cinq profils de consommateurs de protéines, respectivement caractérisés par une consommation élevée de viande de ruminant (profil 1), de porc (profil 2), de volaille (profil 3), de poisson (profil 4) ou par une consommation faible de viande (profil 5). Les chercheurs ont ensuite comparé, chez ces cinq profils de consommateurs, 1/ d’une part la qualité nutritionnelle globale des régimes alimentaires, en utilisant 6 scores nutritionnels et de santé2 2/ d’autre part, l’impact environnemental des régimes, en considérant les 14 indicateurs environnementaux3 fournis par la base Agribalyse4 (complétée de la base SHARP en cas de valeur manquante pour les émissions de gaz à effet de serre (EGES).

Qualité nutritionnelle et impact environnemental variables

Le profil 1 caractérisé par une consommation élevée de viande de ruminant se révélait le plus défavorable pour 5 des indicateurs environnementaux considérés (EGES, mais aussi utilisation des terres, acidification, eutrophisation et émission de particules fines). Au contraire, le profil caractérisé par une faible consommation de viande (profil 5), et dans une moindre mesure, celui caractérisé par une forte consommation de volaille (profil 3) étaient ceux présentant le plus faible impact environnemental.

Au niveau nutritionnel, le profil caractérisé par une consommation élevée de poisson (profil 4) arrivait à la première ou deuxième place pour la plupart des scores considérés. Les résultats étaient plus contrastés pour le régime caractérisé par une faible consommation de viande (profil 5) : s’il s’avérait le plus favorable pour réduire les risques de morbidité et mortalité, il présentait aussi le moins bon score d’adéquation aux références nutritionnelles (score PANDiet). Toutefois, le risque de déficit nutritionnel « avéré » pour 12 nutriments jugés les plus critiques n’était pas plus élevé dans ce groupe par rapport à la population générale (score SecDiet). Les chercheurs jugeaient ainsi ce régime, porteur de co-bénéfices santé et environnementaux, particulièrement intéressant pour tendre vers une alimentation durable.

L’optimisation « multi-critères » …

La seconde étude s’est quant à elle intéressée aux consommations alimentaires de près de 30 000 participants de la cohorte Nutrinet-Santé1. Son objectif ? Optimiser les régimes de six groupes de sujets, définis par leurs consommations de produits animaux : lacto5-, ovolacto6– et pesco7-végétariens et petits (< 50 g/j), moyens (50 à 100 g/j) et grands consommateurs de viande (> 50 g/j). Pour chacun de ces régimes, des modélisations ont permis de déterminer les modifications alimentaires nécessaires pour atteindre les références nutritionnelles et les recommandations alimentaires françaises, sans augmenter l’impact environnemental (pour trois indicateurs : EGES, demande énergétique et occupation des terres) ni le coût du régime, afin de ne pas privilégier une dimension de durabilité au détriment des autres8. Bonne nouvelle, l’exercice d’optimisation s’est révélé possible pour les six régimes de départ (si ce n’est que les besoins en acides gras oméga 3 EPA et DHA ne parvenaient pas à être couverts chez les lacto- et ovo-lacto-végétariens, qui ne consomment pas de poisson). Ainsi (et à cette nuance près), quel que soit le type de régime choisi par un individu9 (dont ceux dépourvus de viande), il est possible d’atteindre les références nutritionnelles et les recommandations alimentaires sans pour autant augmenter le coût de son régime ni son empreinte environnementale. Toutefois, des restructurations alimentaires conséquentes se révélaient nécessaires pour co-satisfaire ces différents objectifs : pour tous les régimes, une augmentation des consommations de légumineuses, de produits céréaliers complets et de légumes était requise, tandis que certains groupes alimentaires tels que les boissons alcoolisées ou les jus de fruits étaient drastiquement, voire totalement, réduits.

pour tendre vers des régimes durables

Comme dans l’étude précédente, les chercheurs portent un intérêt particulier au régime contenant peu de viande (< 50 g/j), autrement dit le régime « flexitarien », qui pourrait constituer un bon compromis sur toutes les dimensions de durabilité. Il se révèle de meilleure qualité nutritionnelle que les régimes caractérisés par une consommation élevée de viande mais présente un moindre coût que ces derniers. Il possède une empreinte environnementale intermédiaire entre les régimes végétariens et les régimes plus « riches en viande ». Et respectant les habitudes alimentaires de la majorité des français, il pourrait susciter plus d’adhésion qu’un régime totalement dépourvu de viande, permettant de satisfaire la dernière dimension de l’alimentation durable : son caractère culturellement acceptable pour les populations.

 

Sources :

 

1 À noter, ces consommations, mesurées en 2014, sont susceptibles d’avoir évolué depuis.

2 Score d’adéquation nutritionnelle PANDiet, scores d’adhésion aux recommandations alimentaires aHEI aux États-Unis et sPNNS-GS2 pour la France, score d’adhésion au régime méditerranéen LAMD, score évaluant le risque de déficit nutritionnel SecDiet, score HiDi mesurant l’impact du régime sur le risque de morbidité et de mortalité.

3 émissions de gaz à effet de serre ; radiations ionisantes ; formation photochimique d’ozone, appauvrissement de la couche d’ozone ; émissions de particules, acidification, eutrophisation terrestre, eutrophisation des eaux douces, eutrophisation marine, écotoxicité d’eau douce, utilisation de l’eau ; utilisation des terres ; utilisation des ressources fossiles ; utilisation des ressources en métaux et minéraux

4 base de données développée par l’Ademe (Agence de la transition écologique), construite selon la méthodologie des Analyses du Cycle de Vie (ACV) et permettant l’évaluation des impacts environnementaux des produits agricoles et alimentaires.

5 Régime sans viande, poisson ni œufs

6 Régime sans viande ni poisson

7 Régime sans viande

8 À noter, bien qu’ils soient vecteurs de nutriments importants, les fruits à coques n’ont pas été considérés dans ces modélisations, les chercheurs ne disposant pas d’indicateurs environnementaux les concernant au moment de l’étude.

9 À noter, les régimes végétaliens n’étaient pas considérés dans cette étude, les chercheurs considérant que les besoins en certains nutriments d’origine animale ne peuvent être satisfaits via l’alimentation uniquement.