Les fractures de la hanche surviendraient plus fréquemment chez les femmes ne consommant ni viande ni poisson (mais pas celles qui consomment du poisson ni chez les consommatrices occasionnelles de viande). Tels sont les résultats, à confirmer, d’une étude qui a suivi 26 000 Britanniques pendant plus de 20 ans.
Alors que le nombre de personnes adoptant un régime végétarien croit dans le monde, des inquiétudes naissent quant à la santé osseuse et au risque de fracture chez ces individus. Car s’ils mangent davantage de fruits et légumes, dont la consommation a été associée à un risque réduit de fractures de la hanche, ils présentent aussi un IMC généralement plus faible (associé à un risque de fracture plus élevé) et des apports inférieurs en certains nutriments importants pour la densité minérale osseuse. À partir des données de la UK Women’s Cohort Study, des chercheurs britanniques ont ainsi voulu examiner les risques de fracture de la hanche – qui touchent tout particulièrement les femmes âgées – chez les végétariennes (ne mangeant ni viande ni poisson), les pesco-végétariennes (mangeant du poisson mais pas de viande) et les mangeuses occasionnelles de viande (< 5 fois par semaine), par rapport aux femmes mangeant régulièrement de la viande (≥ 5 fois/semaine).
Un risque accru de 30 % chez les femmes ne consommant ni viande ni poisson
Plus de 26 000 femmes, âgées de 52 ans en moyenne à l’inclusion dans l’étude, ont été suivies pendant une durée médiane de 22 ans. Leur régime alimentaire était déterminé à partir des réponses à un questionnaire de fréquence alimentaire renseigné par les participantes au début de l’étude. Les cas incidents de fracture de la hanche étaient identifiés à partir des registres hospitaliers.
Après ajustement sur les facteurs de confusion, les chercheurs mettent en évidence un risque de fracture de la hanche accru de 30 % environ chez les femmes végétariennes, tandis qu’aucune augmentation de risque n’est observée chez les pesco-végétariennes ni chez les mangeuses occasionnelles de viande par rapport aux mangeuses régulières de viande.
À la recherche des facteurs responsables
Afin d’explorer les facteurs qui pourraient être à l’origine du risque de fracture de la hanche plus important chez les mangeuses végétariennes, les chercheurs ont procédé à différentes analyses de sensibilité. Le retrait de l’IMC1 en tant que facteur d’ajustement dans les modèles tend à renforcer l’association, suggérant que l’IMC plus faible des femmes végétariennes pourrait contribuer à leur risque de fracture accru. Les auteurs évoquent les possibles rôles protecteurs à la fois des masses osseuse, grasse et musculaire. Ils pointent aussi les moindres apports en protéines, vitamine D et vitamine B12 – impliqués dans la santé osseuse – observés chez les végétariennes. Toutefois, la relation avec le risque de fracture de la hanche restant significative même après ajustement sur ces différents facteurs, les chercheurs notent que d’autres facteurs spécifiques aux consommateurs végétariens interviennent mais n’ont pu être identifiés dans l’étude (taux circulant de vitamine D ou du facteur de croissance IGF-1…).
Encore peu d’études, aux conclusions dissonantes
Certes, cette étude présente des limites, comme le faible nombre de cas de fractures de la hanche, –du fait d’une population relativement « jeune » à l’issue du suivi, par rapport à l’âge moyen de survenue d’une fracture de la hanche – et l’impossibilité de distinguer les fractures traumatiques à haute énergie des fractures liée à la fragilité osseuse ; ou l’absence de données sur les changements éventuels de régime entre le début et la fin de l’étude…
Pour autant, elle a l’avantage de venir nourrir une question encore peu explorée qui pourrait revêtir une importance particulière dans un contexte mondial de population vieillissante, dont une partie végétalise son alimentation. Elle vient s’inscrire aux côtés de deux précédentes études de cohorte sur le sujet aux résultats contrastés. La première, réalisée chez des hommes et femmes britanniques de la cohorte EPIC-Oxford, montre aussi un risque accru de fracture de la hanche chez les végétariens, mais aussi chez les pesco-végétaliens et chez les végétaliens. La seconde, menée chez des femmes américaines de la seconde étude de santé des adventistes, trouve un sur-risque de fractures de la hanche chez les végétaliennes, mais pas chez les végétariennes. Ainsi, des études complémentaires seront nécessaires pour clarifier les populations les plus à risque et identifier les facteurs responsables des différences de risques observés en fonction du régime.
Source : Webster J, Greenwood DC, Cade JE. Risk of hip fracture in meat-eaters, pescatarians, and vegetarians: results from the UK Women’s Cohort Study. BMC Med 20, 275 (2022). https://doi.org/10.1186/s12916-022-02468-0.
1 Indice de masse corporelle