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Insecticides et obésité : un nouveau mécanisme d’action affectant la dépense énergétique

Des chercheurs montrent chez la souris que le chlorpyrifos, un insecticide déjà connu pour ses effets cancérigène, mutagène et reprotoxique, réduit la thermogénèse postprandiale du tissu adipeux brun, une composante essentielle de la dépense énergétique. Un effet présent uniquement en cas de régime riche en graisse et de thermoneutralité, deux conditions représentatives du mode de vie occidental actuel, qui pourrait contribuer à l’épidémie d’obésité.

L’obésité résulte d’un déséquilibre entre les apports et la dépense énergétique. Au cours des 20 dernières années, plusieurs polluants environnementaux tels que des pesticides ont été suspectés de participer au développement de cette maladie, via leurs effets sur l’augmentation de l’apport énergétique, de l’absorption énergétique liée au microbiote ou de l’adipogénèse. Un groupe de chercheurs a fait l’hypothèse d’un autre type d’action de ces substances : la réduction de la thermogénèse postprandiale liée au tissu adipeux brun, une composante majeure de la dépense énergétique. Ils publient leurs travaux à ce sujet dans Nature Communications.

 

L’insecticide chlorpyrifos inhibe la thermogénèse in vitro

Parmi 34 molécules testées in vitro sur des adipocytes du tissu adipeux brun, sélectionnées pour leur usage agro-alimentaire fréquent et leur présence répandue dans les aliments (pesticides ou résidus de pesticides, matériaux présents dans les emballages tels que le bisphénol A, ou des additifs dont des colorants), une substance a particulièrement retenu l’attention des chercheurs : le chlorpyrifos, un insecticide1 organophosphoré encore utilisé dans de nombreux pays sur les cultures de plein champ et de fruits et légumes. En effet, le chlorpyrifos entraînait une diminution de l’expression de la protéine UCP1 (pour uncoupling protein 1), largement impliquée dans la thermogénèse notamment au niveau mitochondrial, et ce jusqu’à des doses très faibles de l’ordre de 1 pM (10-12 mol/L).

 

Des effets confirmés in vivo

Les chercheurs ont confirmé in vivo le rôle inhibiteur du chlopyrifos sur la dépense énergétique chez des souris mâles soumises à un régime riche en graisses. En effet, l’ajout de cette substance au régime des animaux pendant 14 semaines à des doses de 0,5 ou 2 mg/ kg de poids corporel/j (doses comparables aux niveaux d’exposition potentiels chez l’être humain) entraîne une augmentation de la masse corporelle et de la masse grasse (ainsi qu’une diminution de la tolérance au glucose et de la sensibilité à l’insuline). Bien que le chlorpyrifos augmente la prise alimentaire des animaux, les chercheurs montrent, en contraignant les animaux des deux groupes à consommer les mêmes quantités d’aliments, que la prise de poids constatée ne peut être uniquement attribuée à un différentiel d’énergie consommée. Corroborant ces résultats et ceux obtenus in vitro, les chercheurs observent également une réduction de l’expression de la protéine UCP1 dans le tissu adipeux brun des animaux recevant l’insecticide et une altération de la fonction mitochondriale.

 

en cas de régime riche en graisses et dans des conditions de thermoneutralité

A noter, la prise de poids des animaux sous l’effet du CPF n’a lieu qu’en cas de régime riche en graisse, pointant des interactions entre le CPF et les lipides du régime. En outre, la prise de poids des animaux recevant du CPF n’est observée que lorsque les animaux sont placés dans des conditions de thermoneutralité (29-30°C chez la souris) et non à température ambiante (21-23°C). Or l’homme vit de plus en plus souvent dans des conditions de thermoneutralité.

Tous les contaminants environnementaux ayant été testés jusqu’ici à température ambiante et non dans des conditions de thermoneutralité, leurs effets sur la thermogénèse pourraient avoir été occultés et mériteraient d’être à nouveau testés dans ces conditions.

 

Source: Wang B, Tsakiridis EE, Zhang S et al. The pesticide chlorpyrifos promotes obesity by inhibiting diet-induced thermogenesis in brown adipose tissue. Nat Commun. 2021 Aug 27;12(1):5163. doi: 10.1038/s41467-021-25384-y.

 

1 Interdit dans l’UE depuis janvier 2020, classé dans la liste des produits « CMR » pour cancérigène, mutagène et reprotoxique.