La supplémentation orale en glutamine constituerait une stratégie efficace pour limiter l’atrophie villositaire observée chez le rat très âgé. Cette modification serait corrélée à une augmentation de la masse intestinale et de la concentration plasmatique en citrulline.
La glutamine est le substrat énergétique préférentiel des cellules épithéliales de l’intestin, notamment en situation de stress ou d’infection. La glutamine est également un précurseur important de la libération par l’intestin de citrulline. La citrulline plasmatique est d’une part un produit terminal du métabolisme entérocytaire de la glutamine mais également un biomarqueur fiable de la masse fonctionnellement active de l’intestin.
Dans une précédente étude menée chez des rates très âgées, les auteurs avaient démontré l’intérêt d’une supplémentation en glutamine afin de limiter l’atrophie villositaire de l’intestin grêle. L’objectif de cette nouvelle étude était de déterminer en quoi l’effet de la glutamine sur l’augmentation de la hauteur des villosités intestinales est corrélé avec une augmentation de la masse de l’intestin et de la citrullinémie chez le rat très âgé.
Une supplémentation orale en glutamine (20 % de l’apport protéique du régime) a ainsi été testée chez des rates Wistar très âgées (27 mois). Afin de préserver la fonction rénale, qui peut être altérée avec le vieillissement, le traitement était mis en place à long terme mais de manière intermittente. La glutamine était en effet ajoutée à l’eau de boisson du groupe supplémenté (n=15) pendant 7 jours consécutifs, une fois par mois, pendant 10 mois. Le groupe contrôle recevait uniquement de l’eau de boisson sur cette même période (n=13).
La supplémentation en glutamine ne modifiait pas le poids corporel des rats âgés mais augmentait de 15 % la masse de l’intestin (8 g vs. 9,1 g). Il n’y avait aucun effet significatif sur la masse des autres tissus pesés (foie, rate et reins). Au niveau plasmatique, les concentrations en citrulline (+15 %) et proline étaient augmentées en comparaison au groupe contrôle. Inversement, les concentrations plasmatiques en glycine, sérine et thréonine étaient diminuées. La concentration plasmatique en glutamine était équivalente dans les 2 groupes. Au niveau du foie, les concentrations en citrulline, sérine, glycine, histidine et thréonine étaient diminuées et seule la concentration en phénylalanine était augmentée avec la supplémentation. Dans l’intestin, aucune modification significative des teneurs en acides aminés n’était observée.
Des analyses histo-morphométriques de l’intestin grêle indiquaient une amélioration de la hauteur des villosités chez les rats supplémentés en comparaison au groupe contrôle (+ 11%). La différence entre la hauteur des villosités et la profondeur des cryptes était également augmentée avec la supplémentation (+ 10%). Par ailleurs, la glutamine étant un précurseur du glutathion, elle pourrait contribuer à la défense contre le stress oxydant au niveau intestinal. A ce titre, la concentration hépatique en glutathion était déterminée pour évaluer l’état redox cellulaire. Dans cette étude, la supplémentation en glutamine de rats très âgés ne modifiait pas la concentration hépatique en glutathion. Enfin, les marqueurs de la fonction rénale (créatinine, urée) et hépatique (transaminases ALAT et ASAT) n’étaient pas modifiés par la supplémentation en glutamine.
En conclusion, ces résultats démontrent qu’une supplémentation en glutamine permet d’activer de manière préférentielle la production de citrulline par l’intestin plutôt que la production de glutathion par le foie chez le rat très âgé. La supplémentation sur une durée de 10 mois semble efficace pour augmenter la hauteur des villosités intestinales et cette augmentation est corrélée à une augmentation de la masse de l’intestin et des concentrations plasmatiques de citrulline.
L’occurrence bien documentée de l’atrophie intestinale (diminution de la hauteur des villosités) observée avec l’âge est un réel problème de santé publique car elle peut contribuer à la dénutrition des personnes âgées, qui résulte en une vulnérabilité pouvant conduire au syndrome de fragilité et à une mortalité augmentée. La mesure non invasive de ce métabolite pourrait être utile pour évaluer l’état du tractus gastro-intestinal des patients très âgés. D’autres investigations sont nécessaires pour explorer les effets de l’âge très avancé sur l’interrelation glutamine-citrulline dans l’intestin in vivo chez l’homme.
Source : Beaufrère AM et al. Long-term intermittent glutamine supplementation repairs intestinal damage (structure and functional mass) with advanced age: assessment with plasma citrulline in a rodent model. J Nutr Health Aging. 2014 Dec;18(9):814-9.