Deux études récentes viennent conforter l’hypothèse selon laquelle un stress psychologique affecterait les comportements alimentaires chez les enfants comme chez les adolescents.
La première est une étude européenne sur les relations entre stress perçu et qualité de l’alimentation chez 704 adolescents âgés de 12 à 17 ans originaires de cinq villes (Gand, Stockholm, Saragosse, Athènes et Vienne). Leur niveau de stress ressenti a été évalué à l’aide d’un questionnaire (Adolescent Stress Questionnaire, ASQ) couvrant les différentes composantes de ce stress (vie domestique, école, relations sentimentales, etc) et résumé par un score. Un index de qualité de l’alimentation (Diet Quality Index for Adolescents, DQI-A) individuel a également été déterminé par un rappel alimentaire de 24h. Cet index reflète trois composantes de l’alimentation : la diversité, estimée à partir du nombre d’aliments consommés par groupe d’aliments essentiels (pain et céréales, fruits, légumes, produits laitiers, etc), la qualité, évaluée selon une classification subjective en trois groupes d’aliments (« à préférer » = fruits, céréales, etc , « à modérer » = pain blanc, etc et « à éviter » = sodas, en-cas sucrés, tous les aliments à haute densité énergétique et à faible valeur nutritive) et l’équilibre, reflet de l’adéquation entre les quantités consommés et les recommandations alimentaires pour chaque groupe d’aliments. Néanmoins cet index, créé par les auteurs de l’étude, mériterait d’être validé chez les adolescents de différentes cultures.
Après ajustement sur l’âge, le statut pondéral, le stade de puberté, le niveau d’éducation des parents, le niveau d’activité physique et la durée de sommeil, le DQI-A s’est révélé négativement corrélé au niveau de stress ressenti, chez les filles comme chez les garçons. Cette relation était observée pour toutes les composantes de l’alimentation, excepté la diversité alimentaire chez les garçons.
Selon les auteurs, ces observations soutiennent l’idée qu’un stress psychologique stimulerait la consommation d’aliments à haute densité énergétique.
L’autre étude, américaine, concernait 30 enfants, âgés de 8 à 12 ans, soumis successivement et aléatoirement à un épisode de stress (un discours face à une caméra) un jour donné, et à un épisode non stressant (la lecture de magazines) un autre jour. Leur façon de s’adapter au stress vécu était ensuite mesurée en termes qualitatifs et quantitatifs, par le libre choix entre 3 activités : regarder la télévision, pratiquer une activité physique ou consommer un aliment à haute densité énergétique. La nouveauté de cette étude réside dans le fait que les enfants avaient libre accès à plusieurs activités, ce qui se rapproche d’une situation réelle.
Les résultats ont montré que les comportements individuels habituels influaient fortement sur les choix des enfants. Ainsi, les enfants pour lesquels le niveau de restriction alimentaire était élevé (elle était mesurée après chaque séance) ont augmenté leur consommation alimentaire suite à l’épisode de stress. Les chercheurs attribuent cette constatation au fait que l’autorégulation alimentaire de ces enfants est forte et ne peut être maintenue en cas de stress. De même, le temps passé devant la télévision a augmenté uniquement pour les enfants qui regardent le plus la télévision habituellement tout comme l’activité physique pour ceux dont le niveau d’activité physique était le plus élevé, ces derniers ayant peut-être davantage conscience des effets bénéfiques du sport pour faire face au stress.
Ces deux études soulignent l’importance d’inculquer aux enfants et aux adolescents des réponses alimentaires adaptées et saines en cas de stress, d’autant plus que les habitudes prises durant les premiers âges de la vie se retrouvent bien souvent à l’âge adulte. La première étude se limitant à cinq villes européennes, il sera nécessaire de s’intéresser dans un futur proche aux adolescents du reste du monde, avec un outil permettant de prendre en considération les différences socio-culturelles susceptibles de moduler les résultats observés. Les auteurs de la deuxième étude, incluant un nombre limité de sujets, ne concluent pas quant au caractère généralisable de leur outil de génération et de mesure du stress.
Sources :
European adolescents’ level of perceived stress is inversely related to their diet quality: the Healthy Lifestyle in Europe by Nutrition in Adolescence study, De Vriendt T. et al., Br J Nutr. 2012 Jul;108(2):371-80. Epub 2011 Nov 4.
Children’s coping after psychological stress. Choices among food, physical activity, and television., Balantekin KN. et al, Appetite. 2012 May 22;59(2):298-304.