Des chercheurs ont développé une méthode permettant d’estimer les consommations alimentaires et les apports nutritionnels à partir de l’analyse des résidus de l’ADN d’origine alimentaire présent dans les selles.
Si les questionnaires de fréquence et autres journaux alimentaires restent les outils de référence pour mesurer les consommations, ils souffrent de limites comme les biais de déclaration, ou l’investissement important pour les sondés. Pour pallier ces difficultés, des chercheurs ont développé un outil de mesure ne dépendant pas d’auto-déclarations : baptisé MEDI (pour Metagenomic Estimation of Dietary Intake), il quantifie l’ADN provenant des aliments dans les selles.
La mise au point d’un tel outil et sa validation ont nécessité de nombreuses étapes. Les chercheurs ont d’abord démontré qu’il était bien possible de détecter l’ADN des aliments à partir des données de séquençage métagénomique des selles, bien que celui-ci soit présent en faibles quantités, et mélangé à d’autres types d’ADN tels que l’ADN du microbiote intestinal (bactéries, virus, fungi…) ou l’ADN cellulaire humain.
Une approximation des apports nutritionnels
En reliant les données issues de différentes bases (bases de composition des aliments…), les chercheurs sont ensuite parvenus à estimer des apports nutritionnels à partir des séquences d’ADN alimentaire identifiées dans les selles. Les estimations ainsi obtenues permettaient par exemple, à partir de la seule analyse des selles, de reconnaître des régimes alimentaires suivis par les sujets dans différentes études (ex. régime occidental versus régime riche en fibres), de repérer la transition vers une alimentation solide et diversifiée chez les nourrissons, ou encore de caractériser le régime de sujets atteints d’un syndrome métabolique versus celui de sujets sains (le premier se révélant, sans surprise, plus riche en produits animaux et moins riches en aliments végétaux).
Les apports nutritionnels estimés via MEDI reflétaient correctement les apports réels (imposés par un protocole) ou estimés par des questionnaires alimentaires pour de nombreux nutriments (ex. protéines, glucides, énergie, potassium), mais pas pour d’autres (lipides et fibres totales). Pour les chercheurs, cette dernière limite tiendrait à la moins bonne capacité de MEDI à rendre compte des consommations d’aliments transformés (ex. céréales raffinées, huiles végétales) par rapport à des aliments entiers, plus résistants à la digestion (ex. olives ou avocats entiers, légumineuses..).
De multiples applications en perspective pour la recherche
Si un perfectionnement de l’outil reste nécessaire, les perspectives pour la recherche sont majeures : par rapport aux questionnaires alimentaires, MEDI peut identifier la présence d’aliments spécifiques (ex. un fruit ou un légume en particulier) et peut distinguer la fréquence de consommation et les quantités consommées. Il pourrait également être utilisé pour rendre compte des apports alimentaires dans les études analysant les colossales banques de données métagénomiques déjà existantes, sans données alimentaires associées.
Source : Diener C, Holscher HD, Filek K et al. Metagenomic estimation of dietary intake from human stool. Nat Metab 7, 617–630 (2025). https://doi.org/10.1038/s42255-025-01220-1.