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Brève – Inhiber la production de méthane issue de l’élevage : de la théorie à la pratique

À l’étude depuis de nombreuses années, les inhibiteurs des émissions de méthane entérique introduits dans la ration des animaux présentent une efficacité très variable selon le type d’inhibiteur utilisé, l’espèce animale et son microbiote, au risque de compromettre certains paramètres de productivité. De nombreuses questions restent ainsi à élucider pour une utilisation efficace en élevage.

 

Produit par la fermentation microbienne dans le rumen, le méthane émis par les ruminants représenterait 54 % des émissions de méthane d’origine agricole et 5 % des émissions totales de méthane d’origine anthropique au niveau mondial. De nombreux travaux ont ainsi cherché à introduire dans la ration des animaux des inhibiteurs des émissions de méthane entérique (EME), de différentes natures, interférant avec la production de de gaz : les ionophores (transporteurs d’ions), différentes formes de nitrates, le 3-nitrooxypropanol (inhibiteur d’enzyme, dit 3NOP), des triglycérides, des agents phytochimiques (tanins…), ou des associations de ces différents produits (co-inhibiteurs).

 

Des effets très dépendants de l’inhibiteur et de l’espèce animale

Une méta-analyse ayant identifié 274 expériences testant les effets de ces différents inhibiteurs vient d’être publiée. Ses conclusions ? Certes, considérés dans leur ensemble, les résultats montrent que les inhibiteurs, à l’exception des ionophores, réduisent les EME, les stratégies reposant sur des co-inhibiteurs se révélant les plus efficaces. Toutefois, l’efficacité varie d’une substance à l’autre et surtout d’une espèce animale à l’autre, avec des différences d’effets marquées (réelle inhibition ou absence d’effet) entre bovins et ovins, mais aussi entre filières bovines (allaitante/laitière). Les chercheurs ont également mis en évidence des effets sur d’autres paramètres de la fermentation entérique, impliqués dans la méthanogenèse : ils montrent par exemple que les inhibiteurs réduisent généralement le ratio acétate/propionate (corrélé aux émissions de méthane) mais augmentent la production de H2 (inversement corrélé1) – là encore avec des variations selon les inhibiteurs et les espèces animales toutefois. Les populations microbiennes impliquées dans la fermentation se révèlent également modifiées (protozoaires, archées méthanogènes, fungi…) et des corrélations sont observées entre certaines espèces et le niveau d’EME. Quant aux paramètres de production animale, ils peuvent se trouver altérés par certains inhibiteurs (quantité de matière sèche ingérée, production laitière).

Ainsi ces travaux illustrent les nombreuses interactions entre le type d’inhibiteur, l’espèce animale et son microbiote sur la capacité d’inhibition réelle des EME. Leur meilleure compréhension sera nécessaire pour la mise au point de stratégies sur-mesure efficaces et respectueuses des autres paramètres de production.

 

Source : Ma G, Jin W, Zhang Y, Gai Y, Tang W, Guo L, Azzaz HH, Ghaffari MH, Gu Z, Mao S, Chen Y. A Meta-Analysis of Dietary Inhibitors for Reducing Methane Emissions via Modulating Rumen Microbiota in Ruminants. J Nutr. 2025 Feb;155(2):402-412. doi: 10.1016/j.tjnut.2024.12.011.

 

1 Le H2 est pourtant impliqué dans la formation du méthane.