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À la recherche de la meilleure répartition temporelle des prises alimentaires

Horaires des repas, durée du jeûne… les études, revues et rapports d’expertises analysant les effets du rythme des prises alimentaires sur la santé se multiplient. Tour d’horizon de quelques dernières publications en date.

À l’intersection des sciences de la nutrition et de la chronobiologie, la chrononutrition s’intéresse aux effets des rythmes alimentaires sur la santé. Ainsi, quand les études de nutrition ont analysé pendant plusieurs décennies les effets de la quantité et de la qualité de nos consommations, la chrononutrition cherche plus spécifiquement à caractériser les effets des horaires des repas, de la fréquence des prises alimentaires ou encore des périodes de jeûne sur le métabolisme et la santé. Les études en la matière se multiplient ces dernières années.

La répartition temporelle des prises alimentaires en question

En mars 2023, nous vous relayions ainsi l’étude menée sur la cohorte NutriNet-Santé par l’équipe de Bernard Srour, qui montrait que prendre ses repas tôt (aussi bien le matin que le soir) est associé à un risque réduit de maladies cardiovasculaires ; une durée plus étendue du jeûne nocturne allait quant à elle de pair avec un moindre risque d’accidents cérébro-vasculaires (voir notre brève à ce sujet). Un an plus tard, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) publie le résultat de son expertise sur les effets de la répartition temporelle des prises alimentaires sur la santé. Ses conclusions ? Malgré le manque global d’études robustes, il pourrait exister un lien entre un apport énergétique élevé dans la soirée et une augmentation du risque d’obésité. L’Anses préconise donc – « dans une approche prudente » – de prendre un dîner léger le soir et de manger suffisamment tôt pour respecter un délai d’environ deux heures entre le dîner et le coucher.

L’alimentation restreinte dans le temps, une forme de jeûne intermittent

Derrière ces deux publications, deux concepts apparaissent en filigrane : l’importance de la durée du jeûne nocturne d’une part, l’existence possible de fenêtres d’alimentation plus ou moins propices à la santé d’autre part. Ces deux concepts se retrouvent réunis dans la notion d’alimentation restreinte dans le temps, ou time-restricted eating (TRE), une forme de jeûne intermittent qui a émergé comme une stratégie d’alimentation populaire ces dernières années. Ainsi, la pratique du TRE consiste à limiter la fenêtre d’alimentation à un nombre d’heures déterminé par jour (par ex., de 12h à 19h) et à jeûner le reste du temps. De nombreuses études scientifiques se penchent sur les effets potentiels de ce type d’alimentation, souvent mise en place en association avec des programmes d’exercice physique chez les sujets souhaitant perdre du poids.

Des effets sur le poids et la santé métabolique

Une revue systématique qui vient de paraître sur le sujet apportent quelques éclairages intéressants. Elle a rassemblé dans une méta-analyse les résultats de 19 essais randomisés contrôlés portant sur 568 sujets au total, et ayant comparé les effets :

  • d’une alimentation TRE associée à de l’exercice physique
  • à une alimentation témoin « classique «  (sans restriction des horaires de consommation) associée à de l’exercice.

Elle montre que la mise en place d’une alimentation TRE associée à de l’exercice physique, sur des durées allant de 4 semaines à 12 mois, réduit le poids corporel et la masse grasse par rapport à une alimentation témoin sans restriction horaire associée à de l’exercice physique. Les différences observées sont de l’ordre de – 1 à – 2 kg en moyenne, et le niveau de preuve est jugé modéré. Des effets bénéfiques sont également observés sur la triglycéridémie (niveau de preuve modéré) et le LDL-cholestérol (niveau de preuve faible), sur certains marqueurs inflammatoires (IL-6 et TNF-α, niveau de preuve faible), mais pas sur la glycémie à jeun.

Temporalité ou apports caloriques ?

Des analyses complémentaires révèlent toutefois que parmi les régimes TRE, seuls ceux contrôlés en calories produisent des effets, alors que les régimes TRE « ad libitum » ne se démarquent pas des régimes témoins. Autrement dit, les effets métaboliques observés pourraient davantage tenir à la réduction des calories ingérées qu’à la temporalité des apports alimentaires. Ce dernier résultat est essentiel car il tend à ébranler le fondement même de l’alimentation TRE quand elle est mise en place pour contrôler le poids : arrêter de compter les calories en se souciant uniquement de la fenêtre d’alimentation.

En phase avec les conclusions de l’expertise de l’Anses, cette revue illustre plus que jamais la nécessité de mener des études de bonne qualité spécifiquement conçues pour définir les relations entre la répartition temporelle des prises alimentaires et la santé.

 

Source : Dai Z, Wan K, Miyashita M, Ho RS, Zheng C, Poon ET, Wong SH. The Effect of Time-Restricted Eating Combined with Exercise on Body Composition and Metabolic Health: A Systematic Review and Meta-Analysis. Adv Nutr. 2024 Jun 17;15(8):100262. doi: 10.1016/j.advnut.2024.100262.