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Article – Quatre avancées récentes dans le domaine de la nutrition personnalisée

Parvenir à des recommandations nutritionnelles en fonction des gènes, du microbiote et du mode de vie pour promouvoir une santé optimale des individus est l’enjeu des prochaines années. Les progrès de la recherche et des outils numériques en témoignent.

Les données scientifiques de ces dernières décennies ont révélé les interactions complexes entre les paramètres génétiques, microbiens et environnementaux, et expliqué la variabilité des réponses physiologiques individuelles à différents comportements alimentaires et modes de vie. Une revue a compilé quatre exemples d’avancées scientifiques issues d’études cliniques d’intervention sur les interactions entre le génome et les facteurs individuels, qui pourraient permettre d’avancer dans l’élaboration d’une alimentation personnalisée1.

  • Folates, méthylation de l’ADN et santé de l’enfant

On sait que la période allant du troisième trimestre de la grossesse aux deux ans de l’enfant est critique pour la croissance du cerveau. Un apport insuffisant en acide folique peut notamment interférer avec le développement et le fonctionnement précoce du cerveau

et conduire à un retard de langage ou à une altération des capacités cognitives. Un essai de supplémentation en acide folique pendant la grossesse a récemment montré des performances cognitives supérieures chez les enfants de 3 à 7 ans nés de mères supplémentées et a identifié chez eux des modifications épigénétiques de l’ADN (et notamment une hypo-méthylation des gènes LINE-1 et PEG3 et une hyper-méthylation du gène IGF2, impliqués dans le développement du cerveau). Des études supplémentaires et complétées par des techniques d’imagerie pourraient affiner les connaissances sur les mécanismes épigénétiques impliqués afin de proposer une supplémentation personnalisée en acide folique en cas de déficit.

  • Vitamine B12 et santé cardio-métabolique

La vitamine B12, en tant que modulateur potentiel du risque cardio-métabolique, fait l’objet d’études de plus en plus nombreuses depuis que l’on connaît son implication dans le métabolisme des acides gras, dans la régulation des taux d’homocystéine et que l’on sait qu’elle est associée à des méthylations de l’ADN. Des études nutrigénomiques suggèrent qu’une carence en vitamine B12 pourrait favoriser une obésité centrale lors de faibles apports protéiques et altérer le contrôle de la glycémie lors d’apports insuffisants en fibres. Des études récentes indiquent que la vitamine B12 pourrait aussi influencer l’expression de plusieurs gènes associés au diabète de type 2 via des régulations épigénétiques. Autant d’éléments qui, s’ils sont confirmés dans des cohortes plus importantes et explorés à l’échelle moléculaire, laissent entrevoir un rôle potentiel pour la vitamine B12 dans la mise en place d’une nutrition personnalisée, fonction des génotypes, dans un contexte cardio-métabolique à risque.

  • Microbiote et prise en charge de l’obésité

De nombreuses données indiquent que la composition du microbiote intestinal est déterminante dans la réponse d’un sujet obèse à un régime amaigrissant. Une stratification des individus selon leur entérotype (dominante Prevotella ou Bacteroides2) a notamment permis de comprendre que ces entérotypes étaient fortement influencés par les habitudes alimentaires des individus et qu’ils conditionnaient aussi leur capacité à perdre du poids et à maintenir cette perte dans la durée. Le contenu en fibres alimentaires du régime, et plus généralement en substrats fermentescibles atteignant le côlon, jouent un rôle important dans cette association. Une approche prenant en compte les entérotypes microbiens pourrait donc permettre d’élaborer un régime alimentaire adapté à l’individu et favoriser son efficacité.

  • La reconnaissance d’images pour évaluer les apports nutritionnels

Des outils de reconnaissance d’images d’aliments utilisant l’intelligence artificielle, et notamment l’apprentissage automatique, sont en cours de développement. Ils devraient permettre des estimations plus fiables de la taille, du volume, du poids de l’aliment et de son contenu nutritionnel que celles réalisées par les consommateurs. L’évaluation des apports nutritionnels par photo-reconnaissance pourrait devenir un outil précieux et fiable afin d’élaborer un programme nutritionnel personnalisé.

Ces récents travaux scientifiques, qui intègrent désormais les comportements, le mode de vie, le profil génétique et la composition microbienne de l’individu, nécessitent bien entendu d’être consolidés par d’autres études sur des cohortes plus importantes avant d’être transposés en régimes alimentaires individualisés. Mais ce domaine devrait évoluer très vite car il est déjà investi par de nombreuses start-up, investisseurs et grands groupes agro-alimentaires et pharmaceutiques.

 

Source : Matusheski N, Caffrey A, Christensen L, Mezgec S, Surendran S, Hjorth MF, McNulty H, Pentieva K, Roager HM, Seljak BK, Vimaleswaran KS, Remmers M, Peter S. Diets, nutrients, genes and the microbiome: Recent advances in personalised nutrition. Br J Nutr. 2021 Jan 29:1-24.

 

1 Données présentées lors d’un symposium consacré à la nutrition personnalisée et aux nouvelles technologies pour la santé, à l’occasion de la 13e conférence européenne sur la nutrition (FENS).

2 L’entérotype Prevotella est associé à un régime riche en glucides et en fibres tandis que l’entérotype Bacteroides est associé à un “régime occidental” pauvre en fibres et riche en graisses et en sucres raffinés.