Dans une étude randomisée chez des femmes ménopausées en surpoids, la consommation de lipides polaires d’origine laitière réduit les taux de plusieurs marqueurs lipidiques sanguins associés au risque cardiovasculaire. Les interactions entre la sphingomyéline (principal lipide polaire du lait) et le cholestérol au niveau intestinal pourraient en partie expliquer ces effets. Émulsifiants naturels parmi les plus consommés au monde, les lipides polaires du lait, et en particulier la sphingomyéline, sont responsables du maintien en suspension des globules gras du lait. Au-delà de ces vertus technologiques, les lipides polaires pourraient bien présenter un intérêt nutritionnel majeur. C’est ce que suggère une étude randomisée contrôlée en double-aveugle publiée dans Gut, qui a exploré les effets de ces composés sur l’absorption du cholestérol au niveau intestinal et les taux de lipides sanguins marqueurs de la santé cardiovasculaire.
Du fromage à la crème comme vecteur de lipides polaires
Les femmes ménopausées présentent un risque accru d’accident cardiovasculaire en lien avec la perte d’œstrogènes protecteurs. Pour conduire leur étude, les chercheurs ont ainsi recruté et répartis en trois groupes 58 femmes ménopausées en surpoids. Pendant 4 semaines, elles recevaient 100 g de fromage à la crème, enrichi en lipides polaires à hauteur de 3 g (groupe 1, n = 18), 5 g (groupe 2, n = 20) ou non enrichi (groupe témoin, n = 18). Les fromages étaient par ailleurs équilibrés en termes d’apports en macronutriments, les doses accrues de lipides polaires étant compensées par des teneurs moins importantes en triglycérides afin d’obtenir une teneur globale équivalente en lipides.
Un profil lipidique sanguin amélioré sous l’effet des lipides polaires
Après 1 mois de consommation des fromages, les chercheurs ont constaté une amélioration du profil lipidique sanguin chez les sujets supplémentés en lipides polaires : au niveau des mesures à jeun, le groupe recevant 5g/j de lipides polaires présentait notamment une réduction du cholestérol sanguin total (- 7 %) et LDL (- 9 %), des triglycérides (- 16 %) et une augmentation du cholestérol HDL (+ 5 %). Deux marqueurs du risque cardiovasculaire, le rapport cholestérol total/HDL et le rapport lipoprotéine ApoB/ApoA1 se trouvaient également réduits. En postprandial, un effet-dose des lipides polaires était observé sur le cholestérol total et le rapport ApoB/ApoA1 : les réductions étaient plus élevées pour la dose de lipides polaires la plus forte.
Un complexe sphingomyéline-cholestérol ?
Comment expliquer ces modifications au niveau des lipides sanguins ? Première piste : l’implication du microbiote intestinal qui convertirait le cholestérol en coprostanol, comme le suggère l’augmentation des teneurs fécales en ce métabolite chez les sujets ayant consommé les fromages enrichis en lipides polaires.
Pour aller plus loin dans la compréhension des mécanismes à l’œuvre, les chercheurs ont réalisé une étude pilote complémentaire sur quatre sujets présentant une iléostomie. Ces derniers devaient consommer, à l’occasion de trois petits-déjeuners, les trois fromages à la crème préalablement testés et dans lesquels le cholestérol était dorénavant marqué par isotope stable. Cette expérience a mis en évidence une moindre incorporation du cholestérol d’origine alimentaire dans les chylomicrons, ainsi qu’une excrétion accrue de cholestérol (d’origine alimentaire et endogène) suite à la consommation des fromages enrichis en lipides polaires. Cette moindre absorption du cholestérol au niveau intestinal pourrait être liée à la formation d’un complexe avec la sphingomyéline, déjà observé chez l’animal.
Des perspectives prometteuses
Bien que les mécanismes méritent d’être précisés, les auteurs envisagent déjà les opportunités de santé qui pourraient émaner de l’utilisation de lipides polaires. Ces derniers pourraient par exemple remplacer avantageusement des additifs ou ingrédients fonctionnels controversés, comme certains émulsifiants ou molécules hypolipémiantes comme les phytostérols.
Source : Vors C, Joumard-Cubizolles L, Lecomte M, et al. Milk polar lipids reduce lipid cardiovascular risk factors in overweight postmenopausal women: towards a gut sphingomyelin-cholesterol interplay. Gut. Published Online First: 12 June 2019. doi: 10.1136/gutjnl-2018-318155.