Dans une importante cohorte de femmes américaines suivies pendant huit années, les consommations de boissons sucrées mais aussi de boissons édulcorées se sont révélées facteurs de risque de diabète.
Les premières seraient peu satiétogènes malgré une valeur énergétique non négligeable, les secondes propices aux surcompensations et susceptibles de dérégulations métaboliques. Les boissons sucrées (BS) et édulcorées (BE) font beaucoup parler d’elles mais la compréhension de leurs effets sur la santé est encore en pleine construction. Une étude parue dans l’American Journal of Clinical Nutrition apporte sa pierre à l’édifice en prenant le temps d’analyser dans le détail les relations entre la consommation de ces boissons et le risque de survenue de diabète. La population étudiée pour cela, issue de la Women’s Health Initiative, était constituée de femmes américaines ménopausées. Les consommations de boissons ont été évaluées par des questionnaires alimentaires et la survenue ultérieure de diabète auto-rapportée par les participantes (validation par dossier médical et analyses biologiques dans un sous-échantillon de la cohorte). La durée moyenne de suivi est estimée à 8 ans. Un ajustement très complet (25 facteurs d’ajustement inclus dans le modèle, allant de mesures anthropométriques à des indicateurs du niveau socio-économique, en passant par des marqueurs de qualité du régime alimentaire et de mode vie) a été réalisé.
Un risque de diabète accru de 20 à 45 %
Sur les 64 850 femmes incluses dans l’étude (âgées de 60 à 65 ans en moyenne à l’inclusion), 4 675 ont développé un diabète au cours des huit années de suivi (vraisemblablement diabète de type 2 pour la majorité compte tenu de la tranche d’âge). Les consommations de boissons édulcorées et de boissons sucrées (portion considérée par occasion de consommation = 355 ml) étaient toutes deux associées à une augmentation du risque de survenue de cette maladie. Notamment, les femmes consommant une BE par jour (HR = 1,24 ; IC95 % = 1,13-1,37) et celles en consommant deux ou plus (HR = 1,21 ; IC95 % = 1,08-1,36) présentaient des risques accrus de 20 à 25 % par rapport à celles en consommant moins de trois par mois. Quant aux consommatrices de BS, leur risque de diabète était augmenté de 43 % (IC95% = 1,17-1,75) à partir de deux boissons par jour par rapport à une consommation inférieure à une fois par semaine. Des analyses complémentaires apportent quelques éclairages particulièrement intéressants. Notamment, en séparant les femmes selon leur indice de masse corporelle, on constate que la relation entre la consommation de BE et le risque de diabète n’est significative que chez celles présentant une obésité (IMC ≥ 30 kg/m²). Autre résultat marquant : la consommation quotidienne de jus de fruits (≥ 1 fois/jour) augmente davantage le risque de diabète qu’une consommation de sodas comprise entre une fois par semaine et une fois par jour (respectivement, HR = 1,24 ; IC95 % = 1,07-1,44 et HR = 1,12 ; IC95% = 1,02-1,22). Enfin, en comparant les résultats précédents avec un modèle intégrant aussi la consommation d’eau, les auteurs parviennent à caractériser le rôle substitutif potentiel que pourrait jouer cette dernière : ainsi, remplacer une BE/j et une BS/j par de l’eau permettrait de réduire significativement le risque de survenue de diabète de 5 et 10 %, respectivement.
Des biais résiduels possibles
Les auteurs prennent soin de procéder à quelques vérifications : ni les données manquantes chez certains participants (susceptibles d’induire des biais de sélection dans l’échantillon), ni les cas précoces de diabète survenus peu après l’inclusion des sujets (biais de causalité inverse) ne modifient substantiellement les relations mises en évidence. Bien que cela renforce la validité de leurs résultats, les auteurs n’excluent pas la possibilité de biais résiduels. Notamment, ils regrettent le caractère observationnel de l’étude car il existe, pour les boissons édulcorées, une forte suspicion de causalité inverse, les personnes à risque de diabète pouvant consommer les BE pour contrôler leur poids. Si la littérature sur les boissons sucrées corrobore les résultats de la présente étude dans diverses populations, celle sur les boissons édulcorées s’avère plus hétérogène, aussi bien pour les études épidémiologiques que pour les essais d’intervention. Dans l’attente d’y voir plus clair et quoiqu’il en soit, la consommation d’eau, elle, reste recommandée.
Source : Huang M et al. Artificially sweetened beverages, sugar-sweetened beverages, plain water, and incident diabetes mellitus in postmenopausal women: the prospective Women’s Health Initiative observational study. Am J Clin Nutr. 2017 Aug;106(2):614-622.