L’effet de l’allaitement maternel sur la réduction du risque d’obésité à l’âge adulte pourrait être masqué par les apports nutritionnels avant l’âge de deux ans.
Les recherches récentes concernant l’influence de l’allaitement maternel sur le risque d’obésité ont montré plutôt un effet protecteur mais pas de manière systématique. Si la plupart des études ajustaient leurs analyses sur différents facteurs de confusion tels que la catégorie sociale des parents, le poids des parents, l’âge de la diversification… très peu ont tenu compte des apports nutritionnels pendant la petite enfance.
L’objectif de la présente étude était d’étudier les relations entre l’allaitement et le risque de surpoids à l’âge adulte en tenant compte des apports nutritionnels après l’allaitement (à l’âge de 10 mois puis de 2 ans) d’enfants inclus dans la cohorte ELANCE (Epidémiologie en France de l’alimentation et de l’état nutritionnel des enfants pendant leur première année de vie). Les analyses ont été réalisées sur les données recueillies auprès de 73 enfants nés en 1984, suivis jusqu’à l’âge de 20 ans. Les informations au sujet de l’allaitement ont été recueillies (à l’âge de 10 mois) et les apports nutritionnels ont été évalués aux âges de dix mois et deux ans, puis tous les deux ans jusqu’à 20 ans. À cet âge-là ont été mesurés la taille, le poids, l’épaisseur du pli cutané sous-scapulaire et la masse grasse par impédancemétrie.
Les résultats montrent qu’après ajustement sur les paramètres habituels (sexe, IMC de la mère et profession du père), aucune association significative n’était observée entre l’allaitement maternel et la composition corporelle à 20 ans, quel que soit l’indicateur. La prise en compte des apports nutritionnels à l’âge de 10 mois ne modifiait pas les relations. En revanche, l’effet bénéfique de l’allaitement apparaît après ajustement sur les apports nutritionnels à l’âge de deux ans et se révèle significativement associé à un pli cutané sous-scapulaire (PCS) moins épais à l’âge de 20 ans après ajustement sur l’apport calorique total et, sur la contribution des lipides (p=0,013) d’une part, et celle des glucides (p=0,014) d’autre part. Une tendance similaire mais non significative était également observée avec la masse grasse. Cette étude présente plusieurs limites : en plus d’avoir eu un nombre de perdus de vue important (2/3), le nombre d’enfants conservés pour l’analyse est assez faible (n=73) et peut expliquer l’absence de relation significative par un manque de puissance. Enfin, l’allaitement maternel tel que défini dans cette étude (a posteriori) incluait allaitement exclusif et association avec des formules lactées. Selon cette définition, près de deux tiers des nourrissons étaient allaités (64%), sur une durée moyenne de 2 mois seulement. Bien que proche de la prévalence moyenne observée actuellement en France (69% en maternité selon d’autres résultats de la cohorte ELANCE publiés en 2012), ce pourcentage est probablement supérieur à la moyenne observée il y a 20 ans, du fait d’un potentiel biais de recrutement. A l’âge de 2 ans, les apports lipidiques moyens (% des Apports Energétiques Totaux) étaient de 31,9% chez les enfants allaités et 33,5% pour les non-allaités (P =0,23).
En conclusion, ces données soutiennent à nouveau l’hypothèse d’un effet bénéfique de l’allaitement maternel concernant le risque d’obésité mais qu’une alimentation déséquilibrée pendant l’enfance pourrait masquer.
Source : Breastfeeding, Early Nutrition, and Adult Body Fat. Péneau S et Al. J Pediatr
Lien vers le guide Nutrition de 0 à 3 ans de l’INPES