En prévention du cancer de la prostate, la supplémentation en sélénium n’apporterait aucun bénéfice aux hommes présentant un statut basal faible en sélénium et augmenterait même le risque de ceux ayant un statut élevé. La vitamine E augmenterait également le risque de cancer de la prostate chez les hommes présentant un statut faible en sélénium.
En 2001, l’Institut national du cancer des États-Unis lançait l’essai clinique SELECT (Selenium and Vitamin E Cancer Prevention Trial) dans l’objectif de tester si la supplémentation en sélénium (200 µg/jour) et/ou en vitamine E (400 UI par jour) pouvait réduire le risque de cancer de la prostate. Les analyses intermédiaires ayant conclu à une augmentation potentielle du risque liée à la supplémentation en vitamine E, l’étude SELECT avait été prématurément arrêtée en 2008, 3 ans avant l’échéance prévue.
La présente étude cas-cohorte, dont les résultats sont issus de la cohorte SELECT, s’est intéressée aux effets de la supplémentation en sélénium et vitamine E sur le risque de cancer de la prostate, en considérant le statut basal en sélénium des participants. L’analyse a comparé 1 739 malades atteints de cancer de la prostate dont 489 présentant des tumeurs agressives (score de Gleason entre 7 et 10) et 3 117 témoins issus d’une sous-cohorte sélectionnée de manière aléatoire. Le statut en sélénium était évalué par la mesure de la concentration séléniée au niveau de coupures d’ongles de pied, indicateur de l’imprégnation corporelle en sélénium. En l’absence de supplémentation en sélénium, le statut basal en sélénium n’était pas associé au risque de cancer de la prostate. En revanche, la supplémentation en sélénium, seul ou combiné à la vitamine E, augmentait le risque de cancer chez les 40% de sujets qui présentaient un statut basal le plus élevé en sélénium : le risque de cancer de haut grade (le plus agressif) augmentait de 91 % (P = 0,007) chez ces sujets. La supplémentation en sélénium n’avait en revanche aucun effet chez les 40% d’hommes dont le statut basal en sélénium était le plus bas. De plus, les compléments de vitamine E augmentaient le risque de cancer chez ceux qui avaient un faible statut en sélénium au départ : leur risque de cancer de la prostate augmentait de 63 % (P = 0,02) et le risque de cancer de haut grade de 111 % (P = 0,008).
Les auteurs concluent que la consommation, sous forme de compléments alimentaires, chez des hommes âgés, de sélénium ou de vitamine E à des doses qui dépassent très largement les apports nutritionnels conseillés (ANC) pourrait contribuer à augmenter le risque de cancer de la prostate. Dans l’étude SELECT, les doses de vitamine E utilisées étaient excessivement supérieures aux ANC (X 22). La dose de sélénium de 200 µg/jour représentait près de 4 fois l’ANC correspondant. Cette étude vient apporter un nouvel élément de preuve concernant les risques d’une consommation, le plus souvent incontrôlée, de compléments alimentaires à des doses supérieures aux valeurs nutritionnelles.
Source : Baseline Selenium Status and Effects of Selenium and Vitamin E Supplementation on Prostate Cancer Risk. Kristal AR et al. J Natl Cancer Inst, 2014 Feb 22.