L’impact de l’obésité sur le seuil de détection des acides gras à chaîne longue chez l’Homme est un sujet controversé. Bien que cette association ne soit pas démontrée, les résultats d’une récente étude clinique n’excluent pas pour autant une interférence possible entre l’obésité et la gustation.
La détection oro-sensorielle des lipides pourrait être associée à l’indice de masse corporelle (IMC) chez l’Homme. Afin de tester cette hypothèse, 29 sujets minces (19<IMC<25, âge moyen 50,7 ans) et 30 sujets obèses (IMC>30, âge moyen 52,3 ans) non-diabétiques ont participé à cette étude clinique.
Sur chacun des sujets recrutés, une mesure du seuil de détection de l’acide linoléique (LA) a été réalisée ainsi que deux cinétiques de prélèvements sanguins suite à une stimulation orale avec une solution contenant ou non 1% de LA (m/v). Pour les mesures du seuil de détection du LA, une gamme s’étendant de 0,00028% à 5% (m/v) de LA avec un pas de 0,25 log a été utilisée (soit 18 concentration au total). Les seuils de détection sont déterminés en utilisant la technique du 3-Alternative Forced Choice (3-AFC) qui consiste en une succession de tests triangulaires. Les apports alimentaires étaient calculés à l’aide de relevés alimentaires sur 24h.
Les résultats obtenus confirment l’existence d’une détection orale des acides gras à chaîne longue (du moins du LA) chez l’Homme. La moyenne géométrique des seuils de détection était de 0,053% (m/v) et 0,071% (m/v) chez les sujets minces et obèses, respectivement. Dans les deux groupes, une grande dispersion interindividuelle était observée. Ainsi, la comparaison des seuils de détection n’a pas montré de différence significative entre les sujets minces et obèses. D’une manière intéressante, un groupe de 5 sujets se distinguait du reste de la cohorte par un seuil de détection perturbé. Ces sujets, qualifiés de «non-tasters»pour le LA, ne parviennent pas ou peu à discriminer une solution contenant 5% de LA lors des tests de seuils de détection. L’enquête alimentaire montrait également que dans ce groupe, les apports en lipides et en énergie étaient globalement supérieurs à ceux des autres participants minces ou obèse «tasters». Concernant les résultats du test de stimulation orale, une sécrétion de triglycérides plasmatiques induite par la stimulation orale avec le LA était observée chez les sujets minces mais pas les sujets obèses.
Ainsi, l’obésité pourrait dans certains cas interférer avec le système réflexe autonome induit par la détection oro-sensorielle des acides gras à chaîne longue (du moins du LA) chez l’Homme et provoquer une augmentation de la consommation de lipides. La présente étude n’avait pas été conçue pour déterminer où et comment ce dysfonctionnement avait lieu. Il est possible que cette perturbation s’explique par des mutations au niveau de gènes tels que CD36, un récepteur lipidique régulé par la prise alimentaire. Le CD36 lingual jouerait notamment un rôle régulateur dans la boucle céphalique de la digestion déclenchée par la présence de lipides au niveau oral.
Source : Obesity interferes with the orosensory detection of long-chain fatty acids in humans. Chevrot M et al.Am J Clin Nutr. 2014 May;99(5):975-83.