Si des apports élevés en fer héminique ont déjà été associés à un sur-risque de diabète de type 2, une étude menée par des chercheurs de Harvard ajoute aux données épidémiologiques des données de métabolomique, révélant les voies métaboliques potentielles impliquées.
De nombreuses études épidémiologiques ont mis en évidence une association entre des apports élevés en fer héminique1 et un risque accru de diabète de type 2(DT2). L’équipe de Walter Willett et Frank Hu à Harvard a utilisé les données biologiques recueillies dans le cadre des trois plus grandes études de cohorte américaines pour préciser ces liens et caractériser les métabolites sanguins qui pourraient être impliqués.
Le lien spécifique avec le fer héminique
Dans leurs plus récentes études, l’équipe de recherche en nutrition de Harvard combine désormais dans une même analyse les données obtenues chez les femmes de la Nurses’ Health Study I et II et des hommes de la Health Professional Follow Up Study, portant à plus de 200 000 le nombre de participants (79 % de femmes) inclus dans leurs analyses, suivis sur des durées allant jusqu’à 36 ans. À partir de ce vaste échantillon, les chercheurs ont d’abord confirmé la relation entre fer héminique et diabète de type 2 : par rapport aux individus présentant les apports alimentaires les plus faibles en fer héminique, les individus dont les apports étaient les plus élevés présentaient un risque accru de 26 % de développer un diabète de type 2 au fil des années de suivi. Les associations testées avec les autres sources et formes de fer – fer total, fer non héminique, fer provenant des aliments et fer provenant de compléments alimentaires – se révélaient quant à elles non significatives. À travers des analyses statistiques dites de médiation, les chercheurs estiment que le fer héminique expliquerait ainsi une grande partie (≈ 66 %) de la relation entre la consommation de viande rouge (non transformée) et le risque accru de diabète de type 2 (tandis qu’il n’expliquerait que 2% de la relation entre viandes transformées (charcuteries) et diabètes de type 2, pour laquelle les nitrites et nitrates sont pointés).
Exploiter les données métaboliques et métabolomiques
Dans le volet le plus novateur de leur étude, les chercheurs ont ensuite utilisé les données biologiques disponibles pour une partie des sujets des trois cohortes : 37 544 sujets pour des marqueurs de risque métaboliques sanguins « classiques » (type lipidémie, etc.), et 9 024 sujets pour les données de métabolomique2 plus fines (277 métabolites sanguins utilisés pour les présentes analyses). Ils montrent alors que des apports plus élevés en fer héminique vont de pair avec un taux plus élevé de peptide-C (indicateur de la production d’insuline), du ratio TG/HDL-c (marqueur d’insulino-résistance), et un profil pro-inflammatoire, suggéré par des taux accrus de protéine C réactive et de leptine, et des taux sanguins plus faibles d’adiponectine.
17 métabolites médiateurs potentiels
À partir des données de métabolomique, les chercheurs sont parvenus à construire un score intégrant une cinquantaine de métabolites, capable de prédire le risque de diabète de type 2 pour chaque individu. Enfin, un screening des 277 métabolites a été réalisé pour identifier ceux susceptibles d’intervenir dans la relation entre fer héminique et diabète de type 2 (médiateurs), selon des critères prédéfinis3. Il en ressort 17 métabolites médiateurs potentiels. Parmi eux, 13 (dont la L-valine, la L-lysine, l’acide urique, etc.) augmentaient avec le risque de diabète de type 2, les apports de fer héminique et les taux de marqueurs de risque métaboliques défavorables (ex. ratio TG/HDLc), tandis que les 4 autres (impliqués dans le métabolisme des lipides) affichaient des associations opposées.
Ainsi, ces résultats confirment les observations de précédentes études suggérant l’implication du fer héminique dans la physiopathologie du diabète de type 2 – tandis que les autres sources et formes de fer (dont le fer non héminique et le fer apporté par les compléments alimentaires) ne semblent pas associées à un sur-risque. Surtout, ils révèlent pour la première fois des métabolites sanguins intermédiaires potentiels susceptibles d’expliquer la relation fer héminique-diabète de type 2, et de prédire le risque de diabète de type 2.
Source : Wang F, Glenn AJ, Tessier AJ, Mei Z, Haslam DE, Guasch-Ferré M, Tobias DK, Eliassen AH, Manson JE, Clish C, Lee KH, Rimm EB, Wang DD, Sun Q, Liang L, Willett WC, Hu FB. Integration of epidemiological and blood biomarker analysis links haem iron intake to increased type 2 diabetes risk. Nat Metab. 2024 Sep;6(9):1807-1818. doi: 10.1038/s42255-024-01109-5.
1 La forme de fer qui est lié à l’hémoglobine, présent uniquement dans les produits animaux et notamment la viande rouge, et dont la biodisponibilité est la plus élevée (par rapport au fer non héminique présent à la fois dans les produits végétaux et animaux).
2 Etude du profil des métabolites présents à un temps donné dans le sang
3 (1) existence d’une association entre l’apport en fer héminique et le DT2, (2) existence d’une association entre l’apport en fer héminique et le métabolite médiateur potentiel ; (3) existence d’une association entre le métabolite médiateur potentiel et le DT2 dans la même direction que pour la relation avec le fer héminique ; (4) atténuation de l’association fer héminique-DT2 après ajustement sur le métabolite médiateur potentiel