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Fructose : d’un mécanisme anti-famine à un mécanisme pro-Alzheimer

Gerd_Altmann_Pixabay

Le métabolisme du fructose, qui aurait aidé les premiers hommes à anticiper les famines, pourrait être perturbé par nos régimes de surabondance et être responsable non seulement d’obésité et de diabète, mais aussi de la maladie d’Alzheimer.

On savait le fructose consommé en excès incriminé dans les désordres métaboliques, notamment une augmentation de la triglycéridémie et de l’uricémie. Serait-il également impliqué dans la maladie d’Alzheimer ? C’est ce que suggère une revue publiée dans The American Journal of Clinical Nutrition : selon les auteurs, l’évolution aurait retenu des voies métaboliques liées à ce sucre qui aidaient les premiers hommes à se focaliser sur la recherche de nourriture en période de disette, via une réduction de leur activité cérébrale. Mais en période de surabondance de fructose (large utilisation par l’agroalimentaire de sirops de fructose, fabriqués notamment à partir d’amidon de maïs – « high fructose corn sirup » –), ce mécanisme deviendrait contreproductif voire délétère, nous prédisposant non seulement à l’obésité et au diabète mais aussi à la maladie d’Alzheimer.

Du fructose pour les besoins futurs des premiers hommes

Chez les animaux, le fructose activerait une réaction de survie qui les préparerait à une potentielle famine : la prise de nourriture et d’eau est encouragée en stimulant la faim et l’éveil (probablement par l’intermédiaire de l’orexine), en bloquant la satiété (via une résistance à la leptine) et en stimulant la recherche de nourriture ; la demande en oxygène est réduite en ralentissant la respiration mitochondriale et en favorisant la glycolyse ; le stockage des graisses et du glycogène dans le foie est encouragé en stimulant leur production et en inhibant l’oxydation des acides gras, la lipolyse et la glycogénolyse ; le métabolisme du glucose dans les muscles est réduit en diminuant l’absorption du glucose (via la résistance à l’insuline) et en inhibant la sécrétion d’insuline par le pancréas. Ainsi, alors que le glucose est le carburant principal des besoins énergétiques immédiats, le fructose permettrait de répondre aux besoins énergétiques futurs : il provoque un changement dans le métabolisme cellulaire, de sorte que l’énergie est préférentiellement stockée sous forme de graisse et de glycogène au lieu d’être immédiatement utilisée pour générer de l’ATP.

Du mécanisme de survie à la pathologie

Au niveau cérébral, le fructose, à l’inverse du glucose, réduit le flux sanguin dans certaines zones du cortex impliquées dans la maîtrise de soi et l’augmente dans la zone du cortex visuel associée à la récompense alimentaire. De quoi stimuler la quête de nourriture.

Selon les auteurs, cette réduction, dépendante du fructose, de l’activité de certaines régions du cerveau était réversible et bénéfique chez les premiers hommes, confrontés de temps à autre à des disettes. En revanche, l’activation récurrente de cette voie liée à la surabondance du fructose dans nos sociétés modernes induirait une diminution chronique et persistante du métabolisme cérébral, conduisant à une atrophie progressive du cerveau et à une perte de neurones. Soit toutes les caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.

Quelles preuves concrètes en faveur d’une implication du fructose ?

Les chercheurs avancent plusieurs éléments de preuves pour étayer leur thèse. Selon eux, le métabolisme intracérébral du fructose semble contribuer à la maladie d’Alzheimer : le cerveau peut produire et métaboliser le fructose ; les effets intracérébraux du métabolisme du fructose correspondent à certains facteurs de risque d’Alzheimer, alimentaires (sucre, glycémie élevée, sel) ou métaboliques (diabète, obésité et syndrome métabolique) ; les cerveaux des patients malades contiennent des teneurs élevées en fructose. De plus, le métabolisme du fructose pourrait contribuer à l’hypométabolisme cérébral du glucose et au dysfonctionnement mitochondrial observés dans la maladie d’Alzheimer.

Si des études supplémentaires restent nécessaires pour comprendre le rôle du métabolisme du fructose dans la maladie d’Alzheimer, les auteurs suggèrent des études visant à réduire l’exposition au fructose ou à bloquer son métabolisme. Objectif : déterminer s’il existe un bénéfice nutritionnel potentiel dans la prévention, la gestion ou le traitement de la maladie d’Alzheimer.

Source : Johnson RJ, Tolan DR, Bredesen D, Nagel M, Sánchez-Lozada LG, Fini M, Burtis S, Lanaspa MA, Perlmutter D. Could Alzheimer’s disease be a maladaptation of an evolutionary survival pathway mediated by intracerebral fructose and uric acid metabolism? Am J Clin Nutr. 2023 Mar;117(3):455-466. doi: 10.1016/j.ajcnut.2023.01.002.