Certaines sociétés savantes recommandent la supplémentation en oméga 3 à longue chaîne pour prévenir les maladies cardiovasculaires. Une méta-analyse regroupant dix essais d’intervention d’ampleur, ayant testé des doses journalières allant jusqu’à 1 700 mg de DHA et 1 800 mg d’EPA, n’apporte pas d’élément pour étayer ces recommandations. Il n’est pas toujours facile de savoir à quelle société savante se vouer en matière de supplémentation en oméga 3. Alors que les sociétés européennes de cardiologie et d’athérosclérose exprimaient récemment leurs doutes quant à l’efficacité des oméga 3 à longue chaîne (ω3-LC, acides docosahexaénoïque (DHA) et eicosapentanoïque(EPA)) en prévention des maladies cardiovasculaires (MCV), leur homologue américaine estime que la supplémentation en ω3-LC est probablement justifiée chez les sujets présentant des antécédents d’accident cardiovasculaire. Un article paru dans le JAMA Cardiology apporte un éclairage sur la question.
Une méthodologie transparente et soignée
Dans le cadre d’une méta-analyse réalisée selon les recommandations internationales PRISMA, cet article réunit les dix plus grands essais randomisés contrôlés réalisés à ce jour. Parmi les centaines d’essais initialement recensés, les auteurs ont en effet choisi d’exclure ceux dont la durée était inférieure à 1 an ou ayant inclus moins de 500 sujets. Cette méta-analyse combine in fine des données obtenues sur 77 917 sujets, suivis pendant 4,4 ans en moyenne et ayant reçu – pour les groupes expérimentaux – entre 226 et 1 800 mg/j d’EPA et 0*-1 700 mg/j de DHA. Preuve assez rare de la qualité des études retenues : les risques de biais des essais individuels se révélaient faibles, à l’exception de deux essais non réalisés en aveugle, qui ont fait l’objet d’un traitement spécifique dans les analyses de sensibilité.
Pas d’effet de la supplémentation en ω3-LC sur le risque cardiovasculaire
Les résultats ont été analysés aussi bien pour l’ensemble des MCV que par catégorie. Qu’il s’agisse de l’ensemble des MCV, des maladies coronariennes (accident fatal et/ou infarctus non fatal), des accidents vasculaires cérébraux (ischémique et/ou hémorragique), ou encore des autres accidents vasculaires majeurs, l’analyse ne révèle aucune réduction de risque significative dans les groupes ayant reçu une supplémentation en ω3-LC. Les chercheurs se sont alors posé la question suivante : certaines caractéristiques des sujets seraient-elles susceptibles de modifier ces résultats ? Réponse négative, puisque les ω3-LC s’avéraient sans effet quel que soit le sexe des sujets, leur âge, leurs antécédents cardiovasculaires ou la présence de facteurs de risque comme le diabète ou des taux sanguins élevés de cholestérol ou de triglycérides, de même que la prise de statines. Ces résultats ne vont donc pas dans le sens des recommandations préconisant une supplémentation en ω3-LC pour prévenir les maladies cardiovasculaires chez des personnes à haut risque.
Une question de dose ?
Autre piste explorée : les résultats pourraient-ils varier en fonction du protocole expérimental, notamment selon le respect du double insu ? Cela se révèle être le cas, puisque seules les études non réalisées en insu observent une diminution du risque de maladies coronariennes. La qualité méthodologique moindre de ces études suggère que cet effet pourrait résulter d’un biais. Les auteurs formulent enfin une dernière hypothèse : des doses plus élevées d’ω3-LC montreraient-elles des effets préventifs vis-à-vis des MCV ? Pour le savoir, il faudra attendre que plusieurs essais en cours à travers le monde, testant des doses de 3 à 4 g/j, livrent leurs résultats. À suivre !
* Dans un des essais inclus, seul de l’EPA était administré aux sujets.
Source : Aung T et al. Associations of Omega-3 Fatty Acid Supplement Use With Cardiovascular Disease RisksMeta-analysis of 10 Trials Involving 77 917 Individuals. JAMA Cardiol. Published online January 31, 2018. doi:10.1001/jamacardio.2017.5205.