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L’étude EPIC-Pays-Bas relance le débat sur le rôle des acides gras saturés dans la survenue des maladies coronariennes

Des apports élevés en acides gras saturés sont associés à un risque diminué de maladies coronariennes. C’est la conclusion surprenante de l’analyse menée sur la partie néerlandaise de la cohorte EPIC. Les associations observées semblent toutefois différer en fonction des acides gras considérés et de leur source alimentaire, et demandent à être confirmées.

 

Limiter l’apport en acides gras saturés (AGS) fait partie intégrante des recommandations pour la prévention des maladies cardiovasculaires (e.g. Fiche PNNS sur les matières grasses). L’effet des AGS sur le risque de maladies coronariennes (MC) fait cependant l’objet d’un important débat dans la communauté scientifique (Skeaff & Jackson, 2011; Petousis-Harris, 2011). Alors que de récentes méta-analyses d’études prospectives n’ont pas rapporté d’associations (Siri-Tarino et al., 2010 ; Chowdhury et al., 2014 ; de Souza et al., 2015), l’analyse des données de 35 597 participants de la cohorte néerlandaise EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition), suivis pendant 12 ans, a révélé une association inverse entre l’apport total en AGS et le risque de MC (HR* = 0,83 ; IC95 = 0,74-0,93 ; *pour chaque augmentation de 5 % de l’apport énergétique (AE) sous forme d’AGS).

Les auteurs ont vérifié si l’association différait en fonction des macronutriments remplaçant les AGS quand leur proportion variait dans le régime. Dans cette cohorte, la substitution des AGS par la plupart des macronutriments testés (protéines animales, acides gras mono-insaturés cis, acides gras poly-insaturés (AGPI), glucides, glucides à index glycémique élevé) entraînait des augmentations du risque de MC, suggérant une association peu dépendante des macronutriments de substitution.

En revanche, l’association entre AGS et MC différait selon la nature des AGS consommés et notamment la longueur de leur chaîne carbonée. Ainsi, le risque de MC était significativement diminué (HRET* compris entre 0,90 et 0,93 ; *HR pour chaque augmentation d’un écart-type) pour des apports plus élevés en AGS à chaîne courte ou moyenne (i.e. les AGS de quatre à dix atomes de carbone, de l’acide butyrique C4:0 à l’acide caprique C10:0 ; ces acides gras ayant été sommés du fait de leur présence en très faibles quantités dans le régime), en acide myristique (C14:0), et pour la somme des acides pentadécylique (C15:0) et margarique (C17:0) (également présents en très faibles quantités dans le régime). Aucune association n’était en revanche observée avec les apports en acides laurique (C12:0), palmitique (C16:0) et stéarique (C18:0).

Le risque différait également en fonction de la source alimentaire des AGS : des diminutions du risque de MC étaient observées (HRET compris entre 0,91 et 0,94) pour les AGS provenant du fromage, du lait et du beurre, sans association avec les autres groupes alimentaires (viandes, gâteaux, etc.).

En dépit de la solidité de l’étude sur de nombreux aspects (étude prospective, durée conséquente du suivi, nombre élevé de cas de MC, robustesse des résultats aux analyses de sensibilité) et de l’ajustement sur de nombreux facteurs de confusion, les auteurs n’excluent pas la présence de biais de confusion résiduels susceptibles d’expliquer ces résultats surprenants. Notamment, ils suspectent une sous-estimation de l’initiation de traitements anti-cholestérol au cours du suivi, en particulier chez les sujets ayant des apports élevés en AGS, ces traitements réduisant considérablement le risque de MC, ce qui pourrait expliquer l’association inverse observée entre AGS et MC. De même, concernant l’augmentation du risque de MC lors de la substitution des AGS par les AGPI qui va à l’encontre des données de la littérature : ce résultat pourrait s’expliquer, soit par des gammes d’apports en AGS (de 13,2 à 16,6 % de l’AE) et en AGPI (de 5,6 à 7,9 % de l’AE) très resserrées dans cette population néerlandaise, soit par la présence d’acides gras trans (qui augmentent le risque cardiovasculaire) dans les sources principales d’AGPI (margarines) à l’époque du recueil des consommations alimentaires (1993-1997). Enfin, pour expliquer l’association inverse entre les AGS d’origine laitière et le risque de MC, les auteurs hésitent et évoquent le rôle du profil spécifique en AGS du lait,  mais aussi les interactions possibles entre ces AGS et certains minéraux (calcium, potassium, magnésium), ou encore un biais de confusion lié aux autres nutriments des produits laitiers.

Des études complémentaires seront nécessaires pour lever les interrogations suscitées par les résultats inattendus de cette étude et mieux caractériser les effets individuels des différents AGS sur le risque cardiovasculaire.

Source : The association between dietary saturated fatty acids and ischemic heart disease depends on the type and source of fatty acid in the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition-Netherlands cohort. Praagman J. et al. Am J Clin Nutr. 2016 Feb; 103(2):356-65.

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