Le sujet des allergies et intolérances alimentaires est source de confusion pour les professionnels de santé, les patients et le grand public. Cette revue fait le point sur les données concernant le diagnostic et la prise en charge des allergies et intolérances alimentaires chez les enfants et les adultes.
Les réactions indésirables aux aliments comprennent d’une part les réactions à médiation immunitaire (allergies) et d’autre part, les intolérances alimentaires qui n’impliquent pas le système immunitaire. Dans cette revue, une recherche documentaire a été effectuée jusqu’au mois de mai 2014, en utilisant les termes en lien avec les «allergies» et «intolérances» alimentaires dans les bases de données MEDLINE, EMBASE et la librairie Cochrane. Bien que la maladie coeliaque soit une réponse immunitaire au gluten médiée par les lymphocytes T, elle n’est généralement pas considérée comme une allergie alimentaire et n’a donc pas été abordée dans cette revue.
La réponse immunitaire observée en cas d’allergie peut être classée selon qu’il s’agit d’une réponse médiée par les immunoglobulines de type E (IgE), d’une réponse non-IgE ou une combinaison des deux.
– Les estimations concernant les allergies médiées par les IgE varient mais dans certains pays, la prévalence chez les jeunes enfants serait de 4 à 7 %. Les estimations concernant les allergies alimentaires médiées par les IgE chez les adultes atteindraient 1 à 2 % de la population. Les allergènes alimentaires les plus courants sont le lait de vache, l’œuf, l’arachide, les noix, le soja, les crustacés et les poissons.
– Les allergies non médiées par les IgE, telles que les entérocolites induites par les protéines alimentaires, sont plus rares et principalement observées chez les nourrissons et enfants en bas âge. A ce jour, les mécanismes immunitaires sous-jacents ne sont pas bien compris.
– Quant aux réactions mixtes IgE/non IgE dépendantes, il s’agit de l’allergie aux protéines du lait de vache (APLV) et cas plus rares, l’oesophagite à éosinophiles ou la gastroentérite à éosinophiles.
Un diagnostic d’allergie alimentaire exige une preuve de sensibilisation et des symptômes spécifiques d’exposition à un aliment particulier. Bien que le test de provocation en double aveugle contre placebo soit la méthode la plus fiable, sa faisabilité est limitée du fait des risques associés et du coût engendré. Les tests cutanés (prick test) et examens sanguins de dosage des anticorps IgE spécifiques sont les méthodes de diagnostic validées les plus utilisées.
La prise en charge repose sur l’adhésion à un régime d’éviction strict et une réponse rapide à toute exposition accidentelle. Les réactions allergiques varient de l’urticaire à l’anaphylaxie voire le décès. La ré-introduction des aliments est néanmoins possible pour la plupart des enfants allergiques à l’oeuf ou au lait (moins probable dans les cas d’allergie à l’arachide), qui développent une tolérance avec l’âge.
A l’inverse, les intolérances alimentaires ne sont pas spécifiques et ne dépendent pas du système immunitaire. Ces intolérances, plus fréquentes que l’allergie alimentaire, sont pour la plupart difficiles à expliquer. Les symptômes qui en résultent se recoupent avec d’autres symptômes de troubles fonctionnels tels que le Syndrome du Côlon Irritable (SCI). Bien que les symptômes de patients atteints du SCI puissent être observés chez les individus atteints de malabsorption du lactose ou du fructose, l’exclusion du lactose ou du fructose de l’alimentation de ces patients ne semble pas induire de bénéfices concluants. En revanche, l’adoption d’une alimentation globalement pauvre en oligo-saccharides fermentescibles, disaccharides, monosaccharides et polyols (FODMAP) serait une des stratégies d’exclusion intéressantes à explorer pour améliorer les symptômes du SCI.
Près de 20% de la population s’estiment concernés par des réactions indésirables liées à l’alimentation. Mais quelle est la part réelle des patients diagnostiqués pour une allergie ou une intolérance alimentaire ? Et est-ce que les patients disposent de connaissances suffisantes pour optimiser leur prise en charge ? A titre d’exemple, la plupart des intolérants au lactose peuvent en réalité tolérer sans inconvénients majeurs des teneurs de 12 à 24 g de lactose soit 1 à 2 verres de lait par jour. En dépit de ces données, de nombreux patients intolérants au lactose ou atteints du SCI réalisent des efforts inutiles pour éviter toute trace de lactose. Ces malentendus quant au rôle du lactose dans la production de leurs symptômes sont entretenus par la promotion de suppléments de lactase et de produits laitiers alternatifs, qui malheureusement, n’ont souvent qu’un intérêt commercial.
Source : Turnbull JL et al. Review article: the diagnosis and management of food allergy and food intolerances. Aliment Pharmacol Ther. 2014 Oct 14.