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Article – Quels biomarqueurs pour évaluer la fonction gastro-intestinale des animaux de rente ?

Appréhender la fonction gastro-intestinale (GI) des animaux de production n’est pas chose aisée. Une revue de la littérature fait le point sur les biomarqueurs qui permettraient de l’évaluer afin de détecter précocement les anomalies.

Une fonction complexe
Définir une méthode pour évaluer une fonction organique (rénale, hépatique, digestive…) nécessite de répondre à différentes questions : quel marqueur choisir ? Dans quel substrat le mesurer ? Par quelle technique d’analyse ? Etc.
Or, concernant le fonctionnement GI, dont dépendent la santé, le bien-être mais aussi les performances de l’animal, identifier un biomarqueur unique semble peine perdue : le processus s’avère bien trop complexe. Les auteurs proposent donc un panel de marqueurs, permettant d’évaluer les composantes clés de la fonction GI : régime alimentaire, barrières gastrique (notamment caillette chez les bovins) et intestinale, capacités de digestion, fonctionnement immunitaire, microbiote et fonction neuroendocrine du tube digestif.

Les outils déjà utilisés
En pratique, certains marqueurs permettent déjà d’évaluer la qualité d’un régime alimentaire ou certaines répercussions d’un trouble GI (parasitisme, inflammation…).
En fonction de leur composition, certaines rations alimentaires sont en effet susceptibles d’engendrer des troubles ou au contraire de préserver l’organisme. Le « dietary inflammatory index » évalue le caractère pro ou anti-inflammatoire d’un régime.
Il est également possible de détecter des répercussions systémiques et comportementales d’un trouble GI (fièvre, anorexie, léthargie) : en élevage bovin par exemple, les colliers connectés enregistrent en continu les données de mouvement, rumination, consommation alimentaire… et permettent d’alerter rapidement l’éleveur en cas d’anomalie. Reste que ces signes ne sont pas spécifiques de la fonction GI.

Des pistes à explorer
Certains biomarqueurs, plus spécifiques, font quant à eux l’objet d’études expérimentales. Ainsi, le taux de citrulline sanguin, un acide aminé synthétisé par les entérocytes chez les mammifères, ou encore le niveau d’expression du gène codant pour la synthèse de la mucine par les cellules intestinales (étudié chez les poulets de chair) permettraient d’évaluer la structure et le fonctionnement de la barrière intestinale. En revanche, la mesure de la perméabilité intestinale par le ratio lactulose/mannitol dans le sang ou les urines, ou encore par le marqueur Fluoresceine isothiocyanate dextran (FITC-d), bien qu’indicative de l’intégrité de la fonction barrière de l’intestin, s’avère trop fastidieuse pour constituer un biomarqueur utilisé en pratique.
En l’absence de synthèse endogène, les variations de concentrations sanguines en caroténoïdes (ou certains métabolites) constitueraient également un excellent indicateur de l’intégrité physique de la barrière intestinale et de l’absorption digestive : des expériences menées chez les oiseaux montrent que ces concentrations diminuent lors de coccidiose.
Par ailleurs, de nombreuses protéines, comme la lactoferrine, la myélopéroxydase ou la calprotectine, sont sécrétées dans la lumière intestinale par les leucocytes en cas d’inflammation. Excrétées dans les selles, elles pourraient être dosées de manière non invasive dans les fèces et servir de marqueurs du système immunitaire.

Le développement des biomarqueurs face aux contraintes techniques
Enfin, le microbiote, bien que difficile à évaluer, constitue une dernière composante clé. Des recherches suggèrent en effet qu’une dysbiose peut engendrer des variations des taux de neurotransmetteurs circulants, avec des répercussions sur le comportement de l’animal.  Le dosage des métabolites issus de la fermentation microbienne (métabolome) pourrait également s’avérer intéressant, bien que complexe à mettre en œuvre.
Les auteurs de cette revue concluent que le développement de biomarqueurs pertinents pour évaluer la fonction GI des animaux de rente se heurte encore à des limites technologiques (invasivité des prélèvements, lourdeur des analyses) et méthodologiques (élaborations de valeurs usuelles, difficultés d’extrapolations entre des espèces à la physiologie digestive différente).

Source : Celi P, Verlhac V, Pérez Calvo E, Schmeisser J, Kluenter A.M. Biomarkers of gastrointestinal functionality in animal nutrition and health. Animal feed science and technology (2018); doi :10.1016/j.anifeedsci.2018.07.012.