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Article : Le potentiel fibrolytique du microbiote de l’intestin grêle

À travers un criblage fonctionnel et une analyse des gènes des bactéries présentes dans l’iléon humain, des travaux français démontrent la capacité de ce microbiote à dégrader les fibres alimentaires. Ce rôle ne serait donc pas uniquement dévolu aux bactéries du côlon.
Et si la dégradation des fibres alimentaires commençait dès l’intestin grêle ? Cette fonction opérée par le microbiote intestinal est habituellement située plus en aval du tube digestif, au niveau du côlon. L’Homme ne possédant pas l’équipement enzymatique nécessaire pour dégrader les fibres, le microbiote joue un rôle essentiel pour cela et les produits issus de leur fermentation (acides gras à chaîne courte, etc.) présentent des bénéfices reconnus sur la santé. Si le microbiote colique est relativement accessible à travers l’analyse des fèces, le microbiote colonisant l’intestin grêle demeure plus difficilement accessible et moins étudié.
Dans le cadre d’une collaboration entre l’INRA et le CNRS, des équipes françaises sont parvenues à étudier les gènes et les fonctions associées des bactéries présentes dans le dernier segment de l’intestin grêle, l’iléon. Pour cela, les chercheurs ont utilisé une banque de clones bactériens. À quoi correspond ce type de banque et comment est-elle constituée ? Des fragments d’ADN sont d’abord récupérés chez les bactéries tapissant la muqueuse iléale humaine. Ces fragments sont ensuite introduits dans des milliers de clones d’Escherichia coli, formant ainsi une banque de gènes, spécifiques des bactéries de l’iléon, exprimés dans un micro-organisme. On parle d’approche « métagénomique », en plein essor, qui présente un immense avantage : s’affranchir des contraintes liées à la culture des bactéries du microbiote, impossible en laboratoire pour de nombreuses espèces.
Sur les 20 000 clones testés par les chercheurs, 11 ont révélé une capacité à dégrader des xylanes et des glycanes, polysaccharides composant les fibres présentes dans les parois des cellules des végétaux que nous ingérons. L’analyse des fragments d’ADN de ces clones a mis en évidence la présence de gènes codant pour des enzymes de dégradation des polysaccharides (appelées CAZymes pour Carbohydrate-Active enzymes), caractéristiques d’espèces bactériennes du genre Bacteroïdes et de l’ordre des Clostridiales. Pas moins de 25 enzymes différentes seraient impliquées. En plus des gènes de dégradation, des gènes codant pour des complexes d’utilisation des polysaccharides (PULS) ont également été identifiés. Ces complexes membranaires confèrent en général un avantage sélectif aux bactéries porteuses ; ils leur permettent en effet d’internaliser les oligosaccharides produits par les CAZymes dans le milieu extra-cellulaire à partir des polysaccharides, et de terminer leur dégradation à l’intérieur de la cellule, rendant les substrats énergétiques ainsi produits (glucose…) inaccessibles aux bactéries voisines ne possédant pas ces structures.
Les différents gènes codant pour les CAZymes et des PULs ont enfin été comparés aux gènes connus du microbiote colique, répertoriés dans un catalogue élaboré à partir de 1267 échantillons fécaux humains (projet de recherche MetaHit). Des séquences génétiques issues des clones se sont avérées peu représentées dans le microbiote colique, ce qui suggère que certaines espèces bactériennes sont spécifiques de l’iléon.
En intégrant l’ensemble des résultats, les auteurs concluent que les bactéries de la muqueuse iléale présentent l’équipement enzymatique nécessaire à la dégradation des fibres alimentaires. Cette capacité fibrolytique pourrait être portée en partie par des espèces de bactéries spécifiques de l’intestin grêle, peu représentées dans le côlon. Leur rôle devra être étudié de façon plus large, notamment l’impact du métabolisme des fibres et des composés produits dans ce segment intestinal sur les cellules de l’hôte (cellules immunitaires, etc.).

Source : Patrascu O et al. A fibrolytic potential in the human ileum mucosal microbiota revealed by functional metagenomic. Sci Rep. 2017 Jan 16;7:40248.